mercredi 30 septembre 2009

La riposte des salariés de RFI contre l’Etat licencieur



Les travailleurs de RFI sont entrés mardi dans leur neuvième semaine de grève. Ils luttent non seulement contre un plan de restructuration qui prévoit 206 licenciements (sur le millier de salariés que compte RFI) mais surtout contre le démantèlement à brève échéance de leur station – avec notamment la fermeture de six rédactions de langues étrangères. Il s’agit du mouvement le plus long dans l’audiovisuel depuis 1968, ce qui suffit à marquer son caractère historique. 

La combativité  des salariés de RFI n’a d’égale que l’arrogance d’une direction qui s’appuie sur des arguments financiers dont l’intersyndicale FO, SNJ, SNJ-CGT et SNRT-CGT de RFI (majoritaire au comité d’entreprise) a montré qu’ils ne valaient rien – ce qu’un cabinet d’experts-comptables, missionné par le CE, a d’ailleurs confirmé. 

Malgré une grève qui bloque jusqu’à 85% de l’antenne, la direction refuse toujours de négocier sur les revendications portées par le mouvement de grève. Cette intransigeance va jusqu’au refus de la nomination d’un médiateur, réclamée depuis 6 semaines par les salariés de RFI. Les travailleurs de RFI ont pourtant raison de rappeler qu’en l’espèce c’est l’Etat qui licencie, ce même Etat qui donne des milliards aux banques et aux multinationales, et prétend que les caisses sont vides dès lors qu’il s’agit des services publics, des emplois et des salaires. 

Ce plan de licenciements s’inscrit dans l’ensemble des attaques dont est victime le service public d’information (et plus largement l’ensemble des services publics, de la Poste à la santé en passant par l’Education nationale). Rappelons simplement que France Télévision vient d’annoncer 900 licenciements étalés sur 3 ans, que l’UMP fait planer depuis près de 2 ans la menace d’une privatisation de l’Agence France-Presse (AFP), et que le président de la République a – depuis mars 2009 – la possibilité de nommer directement le président de France Télévision et de Radio France. 

Enfin, cette attaque en règle contre RFI a beaucoup à voir avec la création de la holding Audiovisuel Extérieur de la France (AEF), dans le cadre de la loi de « modernisation de l’audiovisuel public », dont RFI est l’une des principales filiales avec France 24 et TV5 Monde. Christine Ockrent a été nommée directrice générale de l’AEF en février 2009, la tutelle étant assurée par son mari, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères. Les syndicats de journalistes et les salariés de RFI avaient protesté à juste titre contre un mélange des genres qui en dit long sur la volonté de la classe dirigeante de renforcer son contrôle sur les médias. 

Le NPA s’élève contre toute ingérence et toute reprise en main de RFI par l’Etat français, ce que l’ampleur du traitement accordé à la mort d’Omar Bongo laisse craindre. Comme l’a noté l’intersyndicale : « après avoir refusé pendant des décennies d’être la voix de la France, acceptons-nous d’être aujourd’hui la voix de la Françafrique ? Qu’avons-nous enterré ce mardi ? Omar Bongo ou l’ambition d’une radio généraliste et universaliste qui parle au monde de la France et du monde ? ». 

Outre une manifestation le mardi 16 juin en direction de l’Elysée (avec d’ailleurs d’autres salariés de l’audiovisuel public), les travailleurs de RFI ont créé, le mercredi 24 juin de 12h à 19h, « la 1ère radio de salariés en lutte », une radio « éphémère et autonome » donnant la parole aux grévistes. Cette résistance exemplaire est une très bonne nouvelle et le NPA les soutient pleinement dans leur lutte. 

23 juin 2009. 

Audiovisuel : Radio France aux ordres ?



Depuis la loi promulguée en mars 2009, Sarkozy nomme le président de Radio France. Son choix s’est porté sur Jean-Luc Hees, qui s’est empressé de promouvoir son vieux complice Philippe Val. Portraits croisés de deux patrons de presse.  

De saltimbanque libertaire à patron de presse, la trajectoire de Philippe Val est malheureusement exemplaire d'une gauche ralliée au social-libéralisme et passée, pour citer Guy Hocquenghem, "du col Mao au Rotary". Après des années d’éditos haineux – dans Charlie-Hebdo ou sur France Inter – contre la gauche radicale et tout ce qui s’apparente à une critique de l’ordre existant, qui se souvient que Val dénonçait jadis la gauche de gouvernement dans ses chansons, qu’il fut membre fondateur d’Attac et même un défenseur de Bourdieu et Halimi dans leurs critiques contre les médias dominants ? Devenu entre-temps actionnaire principal (avec Cabu) de ce journal autrefois satyrique, et ayant touché à ce titre 330 000 Euros en 2007, il s’était rendu cette même année à l’université d’été du Medef pour parler « liberté d’expression ». Le grand patronat ne pouvait en effet qu’être admiratif devant un patron de presse parvenu à pousser vers la sortie, réduire au quasi-silence ou effacer de la photo, les figures historiques d’un journal autrefois satyrique (Siné, Cavanna, Choron), ainsi que les jeunes journalistes ayant tenté d’en faire vivre l’esprit (Olivier Cyran, Mona Chollet, etc.). 

Jean-Luc Hees a quant à lui commencé sa carrière à l’ORTF, puis fut correspondant à Washington pour France Inter. C’est en 1999 qu’il est nommé  directeur de la station. En 2001, il affronte une des plus longues grèves de l’histoire de France Inter : dix-huit jours, pour réclamer des hausses de salaire. Mais sa présidence est aussi marquée par le débarquement, en juillet 2003, du Dr Martin Winckler, chroniqueur matinal qui s’attaquait aux laboratoires pharmaceutiques. Le fait que Jean-Luc Hees ait animé six mois auparavant le colloque annuel du 3ème groupe pharmaceutique mondial (un « ménage » dans le langage journalistique, condamné par la « Charte du journaliste »), n’était évidemment pour rien dans cette éviction. C’est aussi le patron de France Inter qui engage Val comme chroniqueur au moment où l’ancien libertaire veut sortir du bois et accéder au titre – tant envié par cet admirateur de BHL – de philosophe médiatique. Quelques citations de Spinoza plus tard, l’ascenseur sera renvoyé en 2008 quand Val engage Hees comme chroniqueur dans Charlie Hebdo. 

On ne s’étonnera donc pas qu’en mai 2009, Sarkozy nomme Hees à la présidence de Radio France après que ce dernier, auditionné par le CSA, ait affirmé à propos du slogan de France Inter (1) : « Pas sûr que les auditeurs d’Inter recherchent l’impertinence ». Aucune raison non plus d’être surpris que Val soit pressenti pour prendre la tête de France Inter, tant connivences et complaisances sont la règle dans le monde médiatique. Ces deux journalistes ont toujours voulu diriger et commander en véritables patrons. A cet égard, l’intrusion de Hees dans le studio de France Inter le 15 mai dernier pour répondre à Plenel (et à ses critiques sur la nomination directe par Sarkozy du président de Radio France) est un bon exemple de cette vision patronale du journalisme, le patron de presse devenant à la fois recruteur, manager et responsable éditorial du journal, avec à ses ordres ceux que François Ruffin appelle les « petits soldats du journalisme ». 


(1) "La différence, c'est l'impertinence". 

2 juin 2009. 

Olivier Besancenot et les salariés de Célanèse : quand les médias désinforment



Olivier Besancenot est venu mardi 19 mai apporter son soutien et celui du NPA aux ouvriers de Célanèse, ayant fait le voyage du Béarn jusqu’à Paris pour manifester devant l’Assemblée nationale contre le plan de licenciements dont ils sont l’objet.


Invité par la CGT et bien accueilli par les salariés comme le montre cette vidéo (mais les médias dominants n’ont bien sûr pas repris ces images), il s’est vu « alpaguer » par un individu, que l’ensemble des journalistes ayant fait de cette « altercation » un « événement médiatique » ont présenté comme un ouvrier de Célanèse. Il s’agissait en fait, on le sait maintenant, d’un militant socialiste qui n’est pas salarié de l’entreprise. Bien évidemment, cette « affaire » a essentiellement un caractère politique. A la traîne dans les sondages d’opinion (qui leur importent bien davantage que de définir une politique juste pour des millions de travailleurs), le PS tente – par une manœuvre pathétique – de délégitimer ce qu’il semble considérer comme un adversaire important : le NPA. Il est vrai qu’il y a bien peu à attendre d’un parti qui a témoigné de son « utilité » au Parlement européen en votant avec la droite dans 97% des cas en 2008. 

Mais ce qui doit également nous intéresser dans cette « affaire », c’est l’extrême célérité avec laquelle les grands médias ont relayé cette combine pathétique, et la manière dont ils ont présenté et relaté les faits. De France 2 à iTélé en passant par Le Figaro (dont on n’attendait pas autre chose), tous ces médias présentent – sans vérification, par exemple auprès de l’intersyndicale ou des salariés eux-mêmes – le militant socialiste venu accompagné d’une conseillère municipale PS de Pau comme un ouvrier de Célanèse. Bien entendu, aucun de ces médias n’a pris la peine d’informer ses téléspectateurs ou ses lecteurs – le lendemain, lorsqu’est paru le communiqué de la section CGT de l’usine – qu’il ne s’agissait pas d’un salarié en colère contre Olivier Besancenot mais bien d’un militant PS en désaccord avec les choix politiques du NPA. Comment se fait-il que les médias dominants, qui disposent d’un pouvoir de consécration et de stigmatisation dont ils aiment à croire qu’il est infini, ne sont jamais contraints de répondre de leurs prises de position, notamment lorsque leur traitement de l’actualité révèle des erreurs – pour ne pas dire des mensonges – aussi manifestes ? 

Un autre « enseignement » de cette histoire doit être relevé à l’attention de ceux, notamment du côté du PS ou du PCF, qui font d’Olivier Besancenot le « jouet de Sarkozy » ou le « chouchou » des médias. Cela fait des mois que ces derniers, par la voix de leurs intervieweurs et éditorialistes « vedettes », ont pris pour cible le NPA. Souvenons-nous d’Arlette Chabot enjoignant Olivier Besancenot, lors d’une émission sur la crise, de s’excuser auprès de Mme Besse pour les actes commis par Action directe. Rappelons-nous comment Jean-Michel Apathie (sur RTL) et Thierry Guerrier (sur France 5) ont très récemment accusé le même Besancenot de « violence » parce que celui-ci avait traité de « chiens » des patrons licencieurs qui ont menti à leurs salariés depuis des mois (ceux de Caterpillar en l’occurrence). Gardons enfin en mémoire la campagne médiatico-politique qui a pris pour cible l’extrême-gauche, aussi bien LO que le NPA d’ailleurs, les accusant de manipuler en sous-main les travailleurs qui se révoltent contre le sort qui leur est fait (comme si ces derniers étaient incapables de s’organiser eux-mêmes). Comme on dit : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». 


22 mai 2009. 

mardi 29 septembre 2009

Médias policiers, police médiatique



Les conflits sociaux actuels, notamment les occupations d'entreprises et les séquestrations, donnent à voir la prise de parti des grands médias en faveur de la classe dominante, laissant notamment entendre que les travailleurs sont incapables de s'organiser eux-mêmes. 

Ainsi, dans Le Figaro, un article du 23 avril s’interroge : «Qui se cache derrière les meneurs des grèves et les salariés qui séquestrent les patrons ? […] Sont-ils instrumentalisés pour engendrer le chaos ? Nombre d'observateurs [lesquels ?] estiment que ces débordements […] portent la signature de l'extrême gauche.» Citant des témoins au-dessus de tout soupçon (ex-RG, commissaires de police, conseiller du Medef guadeloupéen), on apprend notamment qu’« il est difficile d'apporter la preuve irréfutable que des organisations subversives sont à l'origine du durcissement des mouvements engagés. Mais ce qui est certain, c'est que des agitateurs de tout poil tentent de profiter du climat et s'activent en coulisse, dans les milieux de la gauche trotskyste notamment ».

Mais, contrairement à une idée répandue, cette vision policière ne s'arrête pas aux journaux ouvertement du côté de la bourgeoisie. Dans une émission subtilement intitulée « Patrons, un métier à risque » et diffusée sur le service public (« Ripostes », France 5, le 26 avril), Serge Moati s'adresse à un patron imprimeur pour lui demander : « Est-ce que vous pensez qu'il y a quelqu'un derrière [les séquestrations] ? Est-ce qu'il y a de la manipulation ? Oui ou non ? » Le dirigeant évoquant la LCR et affirmant que ces « manipulateurs livrent des palettes de bière aux employés […] pour alimenter l'insurrection », Moati s'alarme : « Vous avez vu des trotskystes ? […] J'vous crois, mais en même temps c'est énorme c'que vous dites. »

De même sur iTélé, le 22 avril, Nicolas Demorand ouvre un débat sur la « radicalisation des conflits sociaux » par un interrogatoire policier d'Arlette Laguiller : « Rumeurs ou informations, j'vous demande justement de les confirmer ou de les infirmer, qui voudraient qu'à Continental le délégué CGT soit membre également de LO ? Est-ce vrai, est-ce faux ? » Puis : « Juste d'un mot, Arlette Laguiller, pour établir les faits, est-ce que dès lors que vous avez des sympathisants ou des militants de LO sur place, est-ce qu'il y a des consignes de LO pour orienter le mouvement de telle ou telle manière ? Est-ce que LO a dit: "la préfecture est une cible symbolique'' ? »

Plutôt que de s'interroger sur les racines et les raisons de la colère sociale qui monte dans le pays, les grands médias préfèrent ainsi chercher du côté de l'extrême gauche d'obscurs manipulateurs, responsables de la multiplication de ce qu'ils appellent des « actions violentes ». Les « valeurs » de neutralité et d'objectivité, derrière lesquelles s'abrite le journalisme officiel, ne constituent pas seulement un vœu pieux. Il s'agit bel et bien d'une esbroufe idéologique permettant de faire oublier la fonction conservatrice que remplissent les médias dans la société capitaliste.

6 mai 2009.  

Médias et Guadeloupe : une vérité bien ordonnée


Comment le journal télévisé de France 2 manipule son public à propos du conflit guadeloupéen.  

Tout conflit social est un rapport de forces et, en tant que tel, la place du soutien ou du rejet par l'opinion y est prépondérante. Et qui semble mieux à même de façonner cette opinion que les médias de masse et, plus particulièrement, le journal télévisé ? Regardons donc de plus près comment ceux de France 2, réputés plus neutres, ont traité la récente grève générale en Guadeloupe. 

La toute première semaine du conflit (20 janvier-1er février) a donné lieu, au vingt-heures, à 50 secondes de sujet en tout et pour tout, morcelées sur trois jours. Comparé au temps consacré à l'élection d'Obama ou à la tempête dans le Sud la même semaine… Malgré une équipe envoyée sur place, le 1er février, du 4 au 8, on ne comptera que 20 secondes de sujet, et ainsi de suite. La première étape est donc celle de l'« invisibilisation » médiatique : ne pas parler du mouvement pour ne pas le faire connaître, et surtout sas ses revendications. 

Et, quand on en parle, on en dit quoi ? Qu'il y a une pénurie d'essence et  qu'on peut prévoir des effets « dramatiques » pour l'industrie touristique. Les sujets montrent principalement des files d'attente aux stations-service. C'est seulement le 10, puis les 14 et 17 février, que sont évoquées les conditions d'existence dans l'île. Mais qui cause ces désagréments ? Ce sont des manifestants « intimidants », qui obligent les commerçants à fermer boutique. La mort de Jacques Bino, le 17 février, est l'occasion idéale de fustiger le groupe anonyme « des jeunes » qui se livrerait à une véritable « guérilla urbaine » (rien moins) et au « pillage ». Les grévistes seraient donc essentiellement des gens violents… Jamais on ne dira que le chômage touche 50% des 15-25 ans. 

Mais il faut bien que quelque chose explique la durée et la popularité du mouvement. France 2 met alors en avant le contexte historique de l'île. L'anniversaire du massacre du 14 février 1952 est l'occasion de parler des « vieilles rancœurs » contre la métropole. Le terme reviendra plusieurs fois, sans jamais plus d'explications. Le 10 février, la parole est donnée à un Béké1, qui s'insurge contre la survivance de ce terme, selon lui raciste. Finalement, le conflit n'est donc pas causé par une situation sociale désastreuse, dont on n'a pas parlé, et encore moins par des formes de surexploitation capitaliste, mais bien par de vieux relents anti-Métropolitains et anti-Blancs. Là encore, les causes sont travesties. 

A chaque nouvelle étape, un biais évite de parler des revendications et des causes réelles du conflit. En parallèle, tout est fait pour le décrédibiliser et souligner sa spécificité. Pourquoi un tel axe ? Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, donne une partie de la réponse : « Ce qui se justifie à un endroit et pour un contexte particulier, c'est pas la même chose obligatoirement en métropole. » On ne sait jamais, cela pourrait donner des idées2 

1. Nom donné aux descendants de propriétaires blancs d’esclaves. 

2 A lire: Ugo Palheta et Julien Sergère : www.acrimed.org/article3088.html 

9 avril 2009.