mercredi 19 janvier 2011

L’ « affaire PPDA » : un cas de plagiat et ce qu’il révèle


Ce n’est ni la première fois qu’un journaliste dominant est accusé (ou convaincu) de plagiat, ni la première fois que PPDA se trouve embarqué dans une histoire douteuse. Analyse d’un cas exemplaire et de ce qu’il révèle du fonctionnement des grands médias. 
 
L’Express a dévoilé, dans un article paru le 4 janvier 2011, un cas flagrant de plagiat touchant l’ancien présentateur du journal télévisé de TF1 (pendant plus de vingt ans) : Patrick Poivre d’Arvor, dit PPDA. Pour écrire sa biographie de l’écrivain américain Ernest Hemingway, qui devait paraître le 19 janvier 2011, PPDA aurait pioché non pas simplement des éléments ou idées issus d’une biographie publiée par Peter Griffin en 1985, mais des passages entiers, grossièrement modifiés pour masquer ce qui apparaît comme un vol pur et simple. Selon l’auteur de l’article, Jérôme Dupuis, les « emprunts » cumulés représenteraient près d’une centaine de pages dans l’ouvrage de PPDA. 
 
Il peut être instructif de rappeler quelques jalons de la carrière d’homme de médias (et de pouvoir) de PPDA. En 1992, Pierre Carles avait montré la manipulation dont il s’était rendu coupable en décembre 1991 pour accroître à peu de frais son crédit de journaliste proche des « grands » de ce monde. Il avait ainsi laissé croire aux téléspectateurs, grâce à un habile montage d’extraits d’une conférence de presse, qu’il avait personnellement interviewé Fidel Castro. Plus grave, PPDA est condamné à 15 mois de prison avec sursis et à 200 000 francs d’amende pour recel d’abus de biens sociaux, dans le cadre de la dite « affaire Botton ». Homme d’affaires impliqué dans diverses magouilles, Botton avait mis son réseau au service de Michel Noir, son beau-père et maire RPR de Lyon, et arrosait de cadeaux des membres de l’élite médiatico-politique, dont PPDA. Devant l’ampleur du scandale, la chaîne de Bouygues avait été contrainte de suspendre son journaliste vedette durant 3 mois. 
 
Quant à sa carrière d’écrivain, un article publié par Acrimed1 rappelle opportunément que PPDA est l’auteur de plus de 60 ouvrages depuis 30 ans (alors même qu’il présentait durant l’essentiel de cette période le JT le plus regardé de France). Cette écriture de romans ou d’essais en quantité industrielle a de quoi laisser pantois et fait peser de gros doutes sur la contribution véritable du journaliste à l’écriture de ces livres. Ainsi PPDA a-t-il été maintes fois accusé de recourir à des « nègres » (pour reprendre l’expression commune mais non dénuée de racisme). Pour sa biographie d’Hemingway, il paraît avéré que le dénommé Bernard Starck a lui-même rédigé de conséquentes parties de l’ouvrage. Quand on souhaite écrire deux livres par an et engranger les profits (matériels ou symboliques) qui leur sont associés, il est vrai qu’il vaut mieux s’en donner les moyens. « PPDA » n’est ainsi qu’une marque derrière laquelle se dissimule une entreprise collective spécialisée dans la production de livres aussi vite oubliées qu’ils ont été écrits. 
 
On pourrait s’étonner de voir un journaliste expérimenté tel que PPDA recourir de manière aussi visible au plagiat, pratique déshonorante qui contredit les règles minimales d’honnêteté intellectuelle. Mais pour ne pas en rester à un simple jugement moral et comprendre cette facilité du recours au plagiat, il faut sans doute invoquer l’impunité dont plusieurs tenanciers des grands médias ont bénéficié lorsqu’ils ont été pris la main dans le sac. On pense ici à Alain Minc2, Jacques Attali ou Thierry Ardisson. Même s’il leur est arrivé d’être condamné par la justice à des amendes, ils n’ont jamais été mis en demeure de s’expliquer dans les médias et continuent, pour les deux premiers, à être invités à maintes reprises en tant qu’ « experts » ou, concernant Ardisson, à présenter des talk-shows sur le « service public » ou les chaînes privés. Entre retours d’ascenseur et connivences spontanées, ils ont ainsi pu continuer comme si de rien n’était à exercer cette forme particulièrement pernicieuse de pouvoir de prescription intellectuelle et culturelle que leur assure l’omniprésence sur les écrans, sur les ondes ou dans la presse écrite. Rien ne laisse présager qu’il en sera différemment concernant PPDA.


Léo Carvalho