lundi 16 avril 2012

Pour une transformation radicale des médias

Comme le rappelaient en 2009 les principes fondateurs du NPA, «  une critique radicale du système capitaliste, sérieuse et cohérente, ne peut se faire sans critique radicale de la culture, de l’art et des médias puisqu’ils sont les verrous de l’idéologie dominante et, par conséquent, un obstacle important à l’émancipation de toutes et tous »

Possédés et gérés par de grands groupes industriels et financiers vivant souvent des commandes de l’État (en France les groupes Dassault, Bouygues, Lagardère, etc.), ou par l’État lui-même (France Télévisions, Radio France, Audiovisuel extérieur de la France), les médias constituent pour la classe dirigeante un moyen d’imposer les questions dont il faudrait débattre à tel ou tel moment (identité nationale, insécurité, dépenses publiques, etc.), d’occulter celles qui s’avèrent essentielles pour la grande majorité de la population (emploi, salaires, discriminations racistes, services publics, etc.), et de distribuer la parole aux deux grands partis qui se succèdent au pouvoir, mais aussi à des « éditocrates » ou autres « experts » justifiant l’ordre existant.
Évidemment, le pouvoir des grands médias n’est pas sans limite, comme l’a montré le « non » opposé par le peuple à l’adoption du TCE en 2005. Un mouvement de masse peut déjouer et contredire une mobilisation médiatico-politique de grande ampleur en faveur du néolibéralisme. Cela ne veut pourtant pas dire que les grands médias n’exercent pas un pouvoir, les tenanciers des médias et journalistes dominants décidant quotidiennement de qui pourra s’exprimer, dans quelles conditions, et des sujets sur lesquels ceux et celles qu’ils invitent seront amenéEs à s’exprimer.
Escroquerie de plus, les médias sont présentés par ces chiens de garde du capitalisme comme un contre-pouvoir (le fameux « quatrième pouvoir »), indépendant des pouvoirs politiques et économiques, et donc comme une garantie de démocratie. Au nom de la liberté de la presse, qui se réduit à la liberté pour les capitalistes d’investir dans les groupes de presse, on prend soin de ne jamais poser la question de la propriété des médias et des problèmes démocratiques que l’appropriation privée des médias pose en termes d’indépendance et de pluralisme.
Sur le terrain social, les salariés des médias opposent une résistance à la soumission de la presse aux logiques capitalistes : à l’AFP ou RFI par exemple, ou encore parmi les précaires de la presse en ligne. De même, on voit émerger depuis plusieurs années des résistances sur le terrain du journalisme lui-même, avec une presse alternative et des journalistes qui, comme Denis Robert mais aussi nombre d’anonymes, défendent et font vivre concrètement une autre idée du journalisme. Le NPA les soutient évidemment et salue leur détermination, mais le rôle d’un parti comme le nôtre est aussi de proposer un projet de transformation de la société qui s’attaque au pouvoir des classes dominantes, et plus particulièrement ici à l’appropriation capitaliste des médias.
Dans cet article, nous exposons les propositions que porte le NPA dans les élections présidentielles, pour une transformation radicale des médias permettant d’assurer un véritable pluralisme (politique, idéologique, culturel) et une réelle indépendance à l’égard des pouvoirs économique et politique. Elles s’inspirent des propositions du comité NPA des industries graphiques mais aussi du travail réalisé depuis une quinzaine d’années par l’association Acrimed.

Pour une refondation du service public de l’audiovisuel

Dans les médias comme ailleurs, secteur public ne veut pas nécessairement dire service public. En l’occurrence, le secteur public de l’audiovisuel a été en bonne partie dénaturé par des années de politiques libérales. Ces politiques ont été menées par les gouvernements de droite et de gauche, comme en témoigne l’exemple des « décrets Tasca » (du nom d’une ministre PS de la Culture et de la Communication), qui privent la télévision publique de la maîtrise de ses programmes, ou encore la privatisation de TF1, réalisée par la droite mais jamais remise en cause par la gauche.
En conséquence, le service public de l’audiovisuel doit être complètement refondé, libéré des logiques mercantiles et rendu indépendant du pouvoir politique. Ce service public des médias, qui associera médias publics (fondés sur la propriété publique) et médias associatifs (fondés sur la propriété coopérative), devra englober toute la chaîne de production. Ainsi, dans l’audiovisuel, la production réintégrera les chaînes publiques, avec l’abrogation des « décrets Tasca ». Les salariéEs des sociétés de production privées seront intégrées dans le service public sur simple demande.
Le financement de ce service public se fera grâce à la redevance (qui deviendra progressive et sera donc augmentée pour les ménages disposant de revenus élevés), et à la réorientation des aides à la presse, qui seront supprimées pour les médias capitalistes. Le financement publicitaire, d’abord limité, sera progressivement supprimé dans le service public ; dans une période transitoire, la publicité sera lourdement taxée et les revenus dégagés permettront de soutenir la production de contenus audiovisuels de qualité et les médias associatifs.
Ces derniers sont trop souvent oubliés dans les projets politiques sur les médias. Pourtant, malgré leurs moyens souvent faibles, ils donnent d’ores et déjà une idée de ce que pourraient être des médias libérés des logiques capitalistes et exerçant une fonction de service public. Plutôt que de distribuer des aides à la presse à de puissants médias appartenant à de grands groupes (dont nous préconisons le démantèlement), il importe d’assurer un financement pérenne des médias du tiers secteur, en créant un fonds de soutien aux médias alternatifs.
Dans ce service public de l’audiovisuel, le droit d’expression pluraliste de toutes les composantes de la société – en premier lieu partis, syndicats et associations – deviendra la règle. Les médias qui le composent auront en effet pour obligation d’organiser des débats, réguliers et pluralistes, sur l’ensemble des questions sociales et politiques qui concernent la population.
Évidemment, nous nous opposerons par ailleurs à toute privatisation des médias et infrastructures de télécommunications, et revendiquons la renationalisation de France-Télécom/Orange. Nous proposons ainsi de créer un service public des télécommunications, qui permettrait de garantir un accès universel aux technologies disponibles de l’information et de la communication. Il s’agit là d’un enjeu technologique et politique bien trop crucial pour être laissé aux mains d’investisseurs n’ayant pour objectif que le profit.

Pour le démantèlement du CSA et la création d’un organisme démocratique des médias

Cette refondation du service public ne saurait faire l’impasse sur la question de la régulation. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est, depuis 1989, l’organisme public chargé de contrôler les activités liées à l’audiovisuel (y compris les contenus). Ayant le statut d’« autorité indépendante », cette instance est présentée comme la garante du « pluralisme » et de la « démocratie audiovisuelle » en France.
Ses membres sont nommés, pour une durée de six ans, par les présidents de la République, du Sénat et de l’Assemblée nationale. Il va sans dire que les derniers nommés sont tous des proches du pouvoir sarkozyste, et le président actuel du CSA n’est autre que Michel Boyon, ancien des cabinets Léotard et Raffarin. L’attribution de fréquences reflète également cette mainmise des grands groupes privés sur l’audiovisuel.
On voit ainsi ce que vaut le « pluralisme » que cette instance est censée assurer et ce qu’il advient de la « démocratie audiovisuelle » sous contrôle capitaliste. Le NPA revendique donc le démantèlement pur et simple du CSA, organe non-démocratique et inféodé au pouvoir exécutif. Il propose par ailleurs qu’un nouvel organe, sous contrôle des travailleurs des médias et de l’ensemble de la population, soit créé pour réguler l’audiovisuel en France et assurer un véritable pluralisme. Étant donné l’importance des médias locaux (presse quotidienne régionale, chaînes de télévision et radios locales), cet organisme devrait être décliné au niveau régional.
Il pourrait être composé de la manière suivante : une représentation des élus strictement proportionnelle aux résultats électoraux, une représentation des salariés des médias (du secteur public, du secteur privé des médias du tiers secteur) et une représentation des publics (même si cette dernière pose d’indéniables problèmes de représentativité). Cet organisme aura des pouvoirs très importants comme la répartition du financement des médias, le contrôle du pluralisme, des mesures d’audiences et de diffusion (permettant notamment de limiter les concentrations), ou encore de la publicité.

Combattre la mainmise de la bourgeoisie sur les médias, créer les conditions d’un véritable pluralisme

Si un secteur privé sera laissé à la libre initiative d’individus ou de groupes d’intérêts politiques, syndicaux, sociaux, culturels, sportifs, etc., le NPA propose de le transformer radicalement.
D’abord, pour assurer le pluralisme idéologique et politique, nous proposons que les partis politiques qui parviennent à réunir un certain nombre de signatures de citoyens (à déterminer démocratiquement) puissent bénéficier des moyens de publier et diffuser un journal d’opinion quotidien. Par ailleurs, des dispositions anticoncentration drastiques seront appliquées : outre la définition d’un seuil de concentration capitalistique, ainsi que d’audience ou de diffusion, un seul titre ou canal pourra être possédé par une personne, un groupe de personnes ou une entreprise. Nous interdirons par la loi à des entreprises bénéficiant des commandes publiques, comme aujourd’hui Dassault, Lagardère ou Bouygues, de détenir, même indirectement, des médias.
Une mesure phare, devant être mise en œuvre immédiatement, consistera dans la renationalisation de TF1, dont la privatisation avait été obtenue par la droite revancharde en 1987. Bien que le groupe Bouygues ne se soit à aucun moment soucié de respecter le cahier des charges fixé alors, cette concession n’a jamais été remise en cause. Au contraire, elle a été renouvelée sans débat jusqu’à 2022. La renationalisation permettra par ailleurs de supprimer la concurrence faussée qu’exerce la chaîne de Bouygues à l’égard de la télévision publique.
En presse écrite, l’outil industriel sera développé grâce à des centres d’impression publics sur tout le territoire, et les journaux seront diffusés à un prix modique par le biais d’un service public de messagerie, un réel statut de porteur de presse ou kiosquier, ou encore la renationalisation de La Poste, qui permettra une diffusion égalitaire et à faible coût sur tout le territoire. Concernant la distribution, il faut impérativement revenir à un système coopératif tel que l’organisait la loi Bichet avant sa réforme, et qui fait du pluralisme une exigence démocratique.
L’impression et la diffusion doivent répondre à un impératif de service public en matière de pluralisme et favoriser les médias non soumis aux logiques mercantiles : une modulation des coûts sera ainsi mise en place selon le statut des entreprises de presse (au prix fort pour les médias privés, faible pour les médias du tiers secteur). Pour finir sur ce point, outre les mesures évoquées plus haut permettant aux partis et syndicats de publier des journaux quotidiens, le fonds de soutien aux médias alternatifs, dont nous proposons la création, permettra d’aider les initiatives coopératives et la presse écrite alternative.
Enfin, un statut établissant la totale indépendance de l’AFP à l’égard des pouvoirs politique et économique doit être garanti, ainsi qu’un financement pérenne et la titularisation de tous les précaires.

Abroger les lois Hadopi, garantir la « neutralité du Net » et construire un service public de l’Internet

Un service public garantissant un usage démocratique du réseau Internet doit donner à chacun les moyens de se connecter et ne pas laisser le capital structurer l’offre de contenus, en particulier dans le domaine de l’information.
Mettre en ligne un site attractif et riche en contenus nécessite un système de publication et des outils performants, mais surtout des professionnels qui ont les moyens d’enquêter, de rédiger, de filmer, de monter les images, d’éditer, de faire la maintenance de l’ensemble, etc. Or, étant seuls à disposer de ces moyens, les groupes capitalistes s’approprient la formidable liberté que pourrait représenter Internet.
Bien sûr, la dynamique des logiciels libres ouvre une véritable opportunité de progrès en dehors du secteur marchand et toutes ces expériences doivent être encouragées. Mais cela ne saurait suffire pour faire d’Internet un véritable média démocratique. Seul un service public de l’Internet pourrait par exemple mettre des outils de publication à la disposition des associations, des partis politiques, mais aussi de travailleurs en lutte ou de populations n’ayant jamais accès à la parole publique.
Le NPA propose par ailleurs d’abroger les lois Hadopi liberticides pour mettre en place une licence globale, permettant de faire reconnaître le travail des artistes sans les soumettre aux logiques de rentabilité financière immédiate. Nous défendons l’idée d’une taxation des grands groupes multimédias de manière à financer autrement une culture non soumise à la logique des profits. La renationalisation de France-Télécom/Orange permettra enfin de mettre en place une politique garantissant la « neutralité du Net », c’est-à-dire le principe d’une égalité de traitement de l’ensemble des flux de données sur Internet.

Du côté des journalistes : droits sociaux et droits d’intervention

Tout d’abord, le NPA lutte contre la précarité, par la requalification en CDI de tous les contrats précaires, et les discriminations dont les femmes sont l’objet (rattrapage salarial immédiat et annulation des inégalités de carrière). La convention collective doit être strictement appliquée et tous les statuts dérogatoires au code du travail interdits.
Plus largement, les médias – comme l’ensemble de l’économie – doivent se trouver sous le contrôle des salariés, c’est-à-dire de celles et ceux qui produisent effectivement les richesses. Ainsi, les salariés auront un droit de veto sur l’entrée au capital. Il importe également de faire en sorte que les usagers soient représentés dans les organes de direction et de régulation des médias. Par ailleurs, les chartes de journalistes doivent être intégrées à la convention collective et l’ensemble des rédactions être dotées d’un statut juridique qui leur donnera un droit de veto sur l’orientation rédactionnelle et l’embauche de la rédaction en chef.
Les patrons de la presse écrite et de l’audiovisuel n’ont de cesse de remettre en cause le statut des journalistes, plus protecteur que le droit commun. Le but : rendre les journalistes plus dociles et faire de substantielles économies. Après s’être attaqués aux droits des journalistes rémunérés à la pige et aux droits d’auteurs, ils tentent de remettre en cause la commission arbitrale qui statue notamment sur les indemnités des journalistes licenciés après quinze années d’ancienneté. Le NPA s’élève contre toutes ces atteintes aux droits des journalistes.
Le NPA appuie également la demande des syndicats de journalistes et d’associations de critique des médias du renforcement du secret des sources des journalistes. La liberté d’expression et le droit à l’information supposent que les journalistes puissent faire leur travail d’investigation sans pression. Le NPA se prononce contre le secret défense et le secret bancaire, pour l’ouverture des livres de comptes des grandes entreprises et l’accès aux documents administratifs.
Ces dernières années, de nombreuses atteintes au secret des sources et à la liberté de la presse ont été le fait des plus hauts services de l’État. Nous dénonçons toutes les tentatives de la part du clan au pouvoir et de ses affidés de brider l’information, d’intimider les journalistes et les syndicalistes. Une nouvelle loi sur la protection du secret des sources devra être promulguée qui s’appuiera sur les propositions des syndicats de journalistes. De même devront être interdites les perquisitions aux sièges des journaux ou au domicile des journalistes pour des raisons touchant à leur mission d’information. Le NPA demande en outre l’abandon des poursuites contre les journalistes et médias qui n’ont fait que leur travail d’information (sur la Françafrique, les transactions financières, les scandales de l’industrie pharmaceutique ou les marchés attribués à Bouygues).
Enfin, ces propositions doivent être articulées avec la question de la société que nous aspirons à construire, d’une société où les travailleurEs gèrent eux-mêmes les entreprises, contrôlent la production et la diffusion des biens, décident de la répartition des richesses. Nous pensons que les propositions exposées plus haut permettent d’entrevoir, à partir de la question spécifique des médias, en quoi pourrait consister un socialisme démocratique, et dans quelle mesure il permettrait une information à la fois plus libre, parce que libérée de la dépendance à l’égard de l’État et du capital, mais aussi une production culturelle délivrée des impératifs de rentabilité immédiate et un débat pluraliste sur les grands sujets qui intéressent l’ensemble de la population.

La commission médias du NPA

samedi 7 avril 2012

mardi 3 avril 2012

Vous avez dit "égalité de temps de parole" ?


A partir du début de la campagne officielle, c’est-à-dire environ un mois avant le 1er tour, les médias audiovisuels sont en principe contraints de garantir une stricte égalité de temps de parole. Or, non seulement cette égalité est souvent contournée (en modulant les moments de passage, avec lesquels varie évidemment l’audience), mais elle fait surtout suite à une période d’absence quasi-totale de pluralisme, où les « petits » partis n’ont voix au chapitre que lorsque les « grands » médias le décident, autant dire (presque) jamais.

C’est le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui – en période d’élection ou non – est en charge de contrôler le respect, par les chaînes de télévision et les stations de radio, des règles légales en matière de pluralisme politique. La presse écrite n’a, quant à elle, de comptes à rendre à personne du peu de cas qu’elle fait de ce pluralisme[1]. Rappelons par ailleurs que les membres du CSA étant nommés par le Président de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’indépendance dont cette institution se prévaut est largement factice. Il n’y a donc nullement à s’étonner du faible intérêt qu’elle porte à la parole des « petits » candidats.

Hors élection présidentielle (seule élection où l’égalité de temps de parole entre partis est censée être garantie), c’est la règle de la répartition par tiers qui prévaut : un tiers pour l’opposition parlementaire, un tiers pour la majorité parlementaire et un tiers… pour le Président de la République. C’est donc en toute légalité que, durant les cinq années qui précèdent l’élection, les grands médias peuvent distribuer la parole, pour un tiers, au PS et ses alliés, et pour deux tiers à l’UMP. Aux partis qui, comme le NPA, refusent de brader leur indépendance politique en s’alliant avec le PS, il ne sera concédé que des miettes.

Avant le début de la campagne officielle pour l’élection présidentielle, le CSA conseille aux médias audiovisuels l’ « équité ». On aperçoit ce que vaut cette équité en consultant les chiffres publiés par le CSA[2]. Si l’on prend les grandes chaînes de télévision : entre le 1er janvier et le 24 février, Philippe Poutou aura ainsi bénéficié de 0,88% et 0,68% dans les émissions d’information sur France 2 et France 3, et 0,38% et 0,15% pour TF1 et M6. Pour la même période, sur aucune des principales radios généralistes (Europe 1, RTL, France Inter, France Info), notre candidat n’aura bénéficié d’un temps d’antenne supérieur à 1%. Ce n’est que du 9 au 20 mars que nos idées auront pu être exposées un peu davantage dans ces médias.

Mais pour les « grands » journalistes et autres directeurs de rédaction, c’est déjà trop. Ainsi, neuf dirigeants des principaux médias audiovisuels ont, le 6 février dernier, envoyé un courrier au Conseil constitutionnel intitulé « Les règles du CSA sont inapplicables ! ». Il y a ceux qui, comme Jean-Michel Apathie, pense que cette égalité des temps de parole est « une bêtise française incroyable », et qu’il faudrait « qu’il y ait une révolte, des manifestations de journalistes, qu’on aille devant le siège du Conseil constitutionnel » (voire « que deux ou trois confrères courageux fassent la grève de la faim »[3]).

Mais plus effarant peut-être, il y a des tenanciers des médias pour nier, tout simplement, le pouvoir de consécration (ou inversement d’invisibilisation) qu’ils s’arrogent. Face à Philippe (le 13 mars sur Canal+), Ariane Massenet peut ainsi asséner, après avoir justement constaté que la presse écrite avait consacré seulement 0,5% de ses pages politiques au NPA : « C’est une volonté de votre part ? […] Une volonté d’être invisible… ? ».

Au-delà de cette mesure quantitative, beaucoup de choses devraient être dites sur le type de traitement médiatique réservé à un candidat qui se distingue de tous les autres en étant un salarié ordinaire, traitement qui va de la morgue d’un Michel Onfray au mépris d’une Pascale Clark en passant par l’amusement d’un Laurent Ruquier pourtant prompt à rappeler ses origines populaires. Dans ces conditions très difficiles, mais grâce à un temps d’antenne un peu moins défavorable, on peut espérer que Philippe, dans les trois semaines restantes, pourra faire entendre une voix anticapitaliste, celle des opprimés qui ne se soumettent pas au rouleau-compresseur capitaliste que les médias dominants cherchent à nous faire accepter.

Léo Carvalho


[1] Ainsi, les journalistes de l’émission « Le Grand journal » sur Canal+ avaient fait le calcul que Nicolas Sarkozy avait bénéficié du 20 février au 12 mars de 50% de l’espace consacré à la campagne dans la presse écrite.
[2] Voir ici : http://www.csa.fr/content/view/full/57266
[3] Toutes ces citations sont tirées d’un article d’Acrimed : http://www.acrimed.org/article3765.html