samedi 17 avril 2010

Mauvaise humeur anti-journalistes ou critique politique des médias ?


L’attitude récente de Jean-Luc Mélenchon à l’égard des journalistes nous donne l’occasion de revenir sur la (nécessaire) critique des médias.
Le président du Parti de gauche s’est récemment fait remarquer dans les médias par deux prises de position qu’il n’est pas inutile de rappeler et de lier l’une à l’autre. La première tient dans une défense d’Eric Zemmour, qui avait justifié les contrôles aux faciès en affirmant que « la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes ». Mélenchon a déclaré : « Je connais Zemmour. Il ferait mieux de dire qu'il a dit une bêtise. Ce type n'est pas un raciste. C'est un brillant intellectuel, mais comme tous les intellectuels, il est têtu comme une mule ». Un « brillant intellectuel » Zemmour ? Sans juger de la qualité intellectuelle du polémiste (et de la fonction qu’il occupe dans le champ médiatique[1]), on doit rappeler que celui-ci est l’auteur d’un ouvrage ouvertement sexiste – intitulé Le premier sexe (sic) – dans lequel il en appelait à un retour à la division traditionnelle des rôles sexués et justifiait l’existence des discriminations de genre. Etait-ce nécessaire et urgent, pour le porte-parole d’une organisation de gauche, de venir à sa rescousse et de légitimer ainsi le discours d’un idéologue réactionnaire ayant toute latitude pour se défendre lui-même dans ses multiples interventions médiatiques (France 2, Le Figaro magazine, RTL, France O, La chaîne Histoire, etc.) ?
Le deuxième épisode l’a opposé à un étudiant en journalisme qui, lors de la campagne pour les élections régionales, l’interrogeait sur l’opportunité d’une « réouverture des maisons closes ». Refusant de répondre sur ce point au nom d’une juste critique de l’imposition par les médias de l’agenda politique, Mélenchon assénait : « Ça n’intéresse personne, sinon vous et votre sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier. […] Avec moi vous parlez de choses sérieuses, vous parlez de politique et vos sujets de merde vous allez les faire avec des gens qui veulent répondre à la merde. C'est fini, tu fermes ta petite bouche, tu me parles de politique. Moi je te parle de médias et de ton métier pourri […] Je veux parler du titre du Parisien, petite cervelle, pas de la prostitution ! ». Le problème, c’est qu’en mêlant une critique pertinente et une haine – en partie mise en scène[2] – des journalistes, Mélenchon traîne la critique des médias dans la boue de l’anti-journalisme primaire et oublie que nombreux sont les journalistes à désespérer de la presse et de son inféodation aux pouvoirs économique et politique. Combien de journalistes, précarisés par des directions uniquement soucieuses d’audimat ou de chiffres de vente, sont en effet condamnés à reproduire sans cesse les mêmes sujets formatés ou à endosser les logiques faciles du « scoop » ?
Au-delà, il faudrait mettre au premier plan – comme il arrive à Mélenchon de le faire – la question des facteurs qui expliquent l’état déplorable de la presse, son pluralisme anémié et son indépendance factice : l’appropriation des médias par de grands groupes industriels et financiers, la soumission du secteur public au pouvoir d’Etat, la forte précarité dont les journalistes sont l’objet, l’urgence permanente dans laquelle ils travaillent, le pouvoir d’imposition des « éditocrates », la recherche par tous les moyens de la rentabilité immédiate, les conditions de formation des journalistes dans des écoles privées, etc. Les médias se satisfont d’ailleurs très bien d’une critique d’humeur, qu’ils ont beau jeu de ramener à un procédé de communication politique ou, pire, à un refus quelque peu totalitaire de la liberté d’information. Mais comment expliquer que tant de gens paraissent se satisfaire d’une telle critique et défendent une diatribe qui n’honore guère le président du PG ? Outre la défense du statu quo par les grands médias (qui s’acharnent bien entendu sur Mélenchon depuis quelques jours, généralement sans lui donner les moyens de se défendre[3]), c’est surtout qu’aucune organisation de gauche – et le NPA pas plus que les autres – n’a pris au sérieux et à bras le corps cette question en élaborant et en propageant une critique politique des médias. Celle-ci ne peut en effet se réduire, comme chez Bayrou lors de la campagne présidentielle de 2007, à une muleta que l’on agite pour conquérir une popularité à peu de frais.
Le champ médiatique constitue un obstacle spécifique pour toute politique d’émancipation en réservant la parole aux élites politiques et économiques, en invisibilisant les luttes sociales ou en les réduisant à quelques clichés[4], en proposant une lecture systématiquement compassionnelle des oppressions et en présentant comme utopique tout projet de transformation radicale de la société. A nous, y compris dans les grands médias, de populariser une critique et des propositions anticapitalistes dont pourraient s’emparer les mouvements sociaux – et les salariés du secteur ! – pour contester le pouvoir d’une minorité sur l’information et le débat public.

Léo Carvalho


[1] http://www.acrimed.org/article3340.html
[2] http://www.bakchich.info/Melenchon-pas-les-torchons-et-les,10406.html
[3] http://www.acrimed.org/article3342.html
[4] http://www.npa2009.org/content/m%C3%A9dias-et-guadeloupe-une-v%C3%A9rit%C3%A9-bien-ordonn%C3%A9e

mercredi 3 mars 2010

Un voile médiatique

Paru dans Tout est à nous, le 25 février 2010.

Rarement le NPA aura été au centre d’une tempête médiatique aussi puissante : tous les grands médias ou presque, trouvant là une question à leur mesure, se sont dressées contre ce prétendu outrage à la « République ».

Alors que les médias déversaient encore les images des décombres d’Haïti et s’indignaient de soi-disant « pillages » pour mieux légitimer l’intervention militaire « occidentale », c’est le 2 février que le « scoop » du Figaro sort. Ilhem Moussaïd, militante voilée, sera sur une liste du NPA pour les élections régionales. Dès lors, toute la presse s’empare de l’affaire.

Les « éditocrates » (1), ces journalistes de cour qui – de radios en télés et de tribunes en billets d’humeur – prêchent la bonne parole gouvernementale et patronale, sont les fers de lance de cet emballement médiatique. C’est Zemmour qui dégaine le premier sur RTL. Dans un édito sobrement intitulé « Besancenot connaît-il Lénine ? », il s’en prend à Olivier Besancenot qui a manifesté « au milieu d'une forêt de barbus et de voiles » lors du blocus de Gaza et qui « flirte avec Tariq Ramadan, avec les salafistes les plus rigistes (sic) ». Pour lui, le NPA ne tente rien moins que d’ « arracher [les jeunes de banlieue] à l'influence des barbus et en faire de la nouvelle chair à canon de la Révolution ». Puis c’est au tour de Thomas Legrand sur France Inter et de Bernard-Henry Lévy dans Le Point d’attiser, à grands coups d’amalgames haineux, cette frénésie islamophobe qui flatte le pouvoir en place. Sarkozy ne s’était-il pas lui-même indigné en 2007 du « trop grand nombre de musulmans présents en Europe » , sans que la presse s’en fasse l’écho (2) ?

Le 6 février, c’est au tour de Caroline Fourest – essayiste mettant les armes du féminisme au service d’une islamophobie galopante (3) – de signer un papier d’une grande violence dans Le Monde. Elle prétend ainsi voir une continuité directe entre cette « affaire » et la tolérance dont auraient fait preuve, en 1976, les « camarades gauchistes » devant un « viol commis par un ’’camarade’’ immigré ». On appréciera d’ailleurs l’esprit de pluralisme qui règne au Monde puisque, quelques jours plus tôt, c’était une autre (longue) tribune qui était publiée par Frédéric Bourgade. Proche du NPA, celui-ci prêtait à Ilhem Moussaïd des intentions « différencialistes » et craignait que « son anticapitalisme ne soit que le rejet d'une identité occidentale ». Si cette dernière tribune montre que le débat n'est pas tranché au sein du NPA, ce n'est que le 20 février, après les nombreux courriers de lecteurs reçus (4), que Le Monde publie enfin des points de vue contradictoires, dont certains de militants ou proches du NPA. Le débat est rééquilibré, mais 15 jours après le début de « l’affaire ».

Sans parler de Marianne, journal prompt à pointer les menaces qui feraient peser « l’islam » sur la « République » et la laïcité, L’Humanité n’est pas en reste. Oubliant sans doute que le PCF compte, à Echirolles, une conseillère municipale voilée, Mina Kaci dénonce ainsi le « paternalisme dans cette volonté de cantonner toutes [les femmes voilées] dans un rôle de soumission à Dieu » et pense que le NPA a trouvé ici « un moyen de capter l’attention ». Pour elle, « qu’importe l’instrumentalisation, pourvu que le NPA se replace sous les projecteurs de l’actualité ». Une fois n’est pas coutume, seul Libération a proposé à ses lecteurs un traitement de cette question à distance des raccourcis et des amalgames.

L’islamophobie, cette peur irrationnelle d’une religion qui vient justifier les traitements stigmatisants et discriminatoires dont sont victimes les musulmans (ou présumés tels) dans la société française, n’est donc pas seulement une construction politique mais aussi une production médiatique. Que des avis opposés à ceux du NPA – qui lui-même est divisé sur la question – s’expriment dans les médias, il n’y a là rien qui doive surprendre ou choquer ; mais que ces points de vue convergent vers un discours médiatique quasi-unifié, faisant écho à l’unité de la classe politique, voilà qui mérite d’être pris en considération.

Pour peu qu’on y prête attention et sans tomber dans une quelconque « théorie du complot », on doit ainsi voir dans cette (nouvelle) « affaire » du voile – et dans ce climat nauséabond d’unité nationale – non pas le signe d’une détestation générale du NPA, mais la preuve d’une contribution spécifique des grands médias à l’invention contemporaine d’un « péril musulman ».

Léo Carvalho et Julien Sergère


(1) M. Chollet, O. Cyran, S. Fontenelle & M. Reymond, Les éditocrates, La Découverte, 2009
(2) http://vivelefeu.20minutes-blogs.fr/archive/2007/11/15/trop-de-musulmans-dit-il.html
(3) Voir l’article publié dans Le monde par des universitaires en réaction à un ouvrage de C. Fourest : « Les lauriers de l’obscurantisme » : http://www.sectes-infos.net/laicite-30.htm
(4) Courrier de la médiatrice du Monde http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/02/19/voile-ou-foulard-par-veronique-maurus_1308488_3232.html

dimanche 31 janvier 2010

Les sondages d’opinion comme technique de domination politique


Devenus en quelques dizaines d’années un outil central dans l’arsenal du journalisme politique et du débat politicien, les sondages ne posent pas seulement des questions (techniques) de méthodologie mais doivent faire l’objet d’une critique politique.
Cette critique ne peut pas avoir pour seule cible les sommes astronomiques que l’Elysée (et les partis, y compris de gauche) consacrent chaque année à la commande de sondages. De même, il ne nous suffit pas d’affirmer notre (saine) indifférence aux sondages d’opinion ou d’invoquer leur faible capacité de prévision électorale. Faire la critique politique des sondages c’est mettre en évidence (et en cause) la fonction qu’ils remplissent dans le jeu politique et médiatique actuel.
En effet, les sondages ne sont pas seulement inutiles ou peu fiables. Ils constituent une véritable technique de domination politique, qui impose subrepticement une certaine définition de la politique en substituant l’instantanéité et l’apparente impartialité du chiffre au débat politique durant lequel se manifestent des clivages et se forgent les opinions. La politique n’est alors plus conçue comme travail militant visant à populariser et lutter pour un projet de société, mais comme la recherche de formules ou de slogans qui vont coller aux « attentes des Français » (telles qu’elles sont mesurées par les sondages). La soumission aux sondages d’opinion implique ce type d’opportunisme, et l’on a ainsi vu le PS dépenser en juillet 2009 pas moins de 100 000 euros pour s’offrir un grand sondage sur « les attentes des citoyens », présenté comme « une parfaite photographie de la société » et dans le but de « refonder le projet socialiste ».
Mais les sondages favorisent également une perception individualiste de la société, celle-ci étant réduite à l’ensemble des individus isolés qui la composent. Une telle conception fait abstraction de la situation concrète dans laquelle vivent ces individus puisqu’on les sépare ainsi de leur existence collective, c’est-à-dire des liens tissés quotidiennement – au travail, sur leur lieu d’habitation, dans leur famille – avec tous ceux qui partagent une même condition sociale. Or, la politique n’est réductible ni au scrutin à bulletin secret, ni encore moins aux réponses, formulées par téléphone, d’un millier d’individus atomisés à des questions préfabriquées.
Les sondages d’opinion produisent en outre des effets directs :
-          De justification, lorsqu’il s’agit d’entériner l’action du gouvernement. Pensons aux sondages demandant aux enquêtés s’ils sont pour la « modernisation » des services publics, la question imposant la réponse dans la mesure où personne n’est pour des services publics archaïques.
-          D’imposition, lorsqu’il importe de faire parler « les Français » de ce dont veulent parler les politiciens (identité nationale, burqa, dette publique, etc.), et donc de faire exister telle ou telle « opinion publique » sur tel ou tel « problème social ».
Enfin, les sondages d’opinion autorisent ceux qui s’en proclament les spécialistes à tenir un discours en surplomb – au nom de l’objectivité prétendue des sondages – sur les désirs de la population, les choix des organisations syndicales ou politiques, etc. Cette légitimité des sondeurs et commentateurs à parler « au nom de », légitimité dont personne n’est juge sinon les propriétaires des médias dominants, n’est que l’autre nom d’une dépossession politique. Ils permettent en effet à la classe dirigeante – via les grands médias dont l’indépendance, dans la société capitaliste, n’est qu’un mot d’esprit – de dicter en bonne partie l’ordre du jour politique. 

27 janvier 2010. 

mercredi 27 janvier 2010

Les médias sont à nous !


Les médias, une chose trop sérieuse pour être confiés aux capitalistes et à l’État 

Les médias constituent à la fois un secteur parmi d’autres de l’économie et un élément clé de la domination capitaliste. Possédés et gérés par de grands groupes industriels et financiers – Lagardère, Dassault, Bouygues, etc. – ou par l’État, ils constituent pour la classe dirigeante un moyen d’imposer les questions dont il importe de débattre à tel ou tel moment (identité nationale, insécurité, etc.), d’en occulter bien d’autres et de distribuer la parole à des « éditocrates » proches des pouvoirs en place (Attali, BHL, Adler, Val, etc.).

La classe capitaliste ne parvient pourtant qu’imparfaitement à faire passer sa propre conception du monde pour une vision universelle, du fait de mobilisations qui parviennent parfois à s’inviter dans le débat médiatique, de la ténacité critique de certains journaux ou journalistes (Denis Robert ou d’autres), mais aussi de la nécessité de maintenir l’illusion du pluralisme à travers l’apparition dans les médias – marginale il est vrai – de mouvements ou d’individus contestant l’ordre établi.

Le NPA non seulement combat la réduction de l’information à une marchandise mais, plus précisément, lutte pour que le contrôle de la presse ne soit plus une prérogative des capitalistes et du gouvernement. Pour cela, il faut abolir la propriété privée des moyens d’information et instaurer – dans le secteur des médias comme dans l’ensemble du secteur public – un pouvoir des travailleurs et des usagers, seul moyen de créer les conditions d’un véritable pluralisme et d’une indépendance réelle de la presse à l’égard de tous les pouvoirs.


La politique de Sarkozy : médias aux ordres, concentration de la presse 

Le contrôle des moyens d’information est à ce point crucial pour la reproduction de la domination capitaliste que Sarkozy, en commis fidèle du grand patronat, a fait des médias l’un de ses principaux objets de « réforme ».

L’action du gouvernement s’est d’abord traduite dans des mesures visant à assurer un contrôle plus strict sur la direction des médias « publics ». Depuis la loi promulguée en mars 2009, c’est ainsi au président de la République qu’il revient de nommer directement le président de Radio France, de France-Télévision et de l’Audiovisuel Extérieur de la France.

La deuxième dimension de cette politique consiste, comme l’ont montré les « États généraux de la presse écrite » (dominés par les patrons de presse), à satisfaire les intérêts des grands groupes de presse en proposant d’assouplir les règles en matière de concentration de la presse et en favorisant ainsi l’avènement de grands groupes multimédias.

Le gouvernement actuel s’applique chaque jour, en restreignant l’indépendance des rédactions des médias nationalisés, à nous rappeler que secteur public ne veut pas dire service public, et qu’il est urgent non seulement de contester la propriété privée des médias mais d’imposer un contrôle des travailleurs et des usagers sur le secteur public d’information.



Mobilisation contre les licenciements et lutte contre la précarité doivent aller de pair 

L’année 2009 se termine sur un très mauvais bilan pour l’emploi dans la presse écrite, l’audiovisuel, les agences, la distribution, etc. Comme dans les autres secteurs de l’économie, les grands groupes propriétaires de médias et l’État ont restructuré à tour de bras, au prétexte de la crise.

La « réforme » de France-Télévision se traduira par des centaines de suppressions d’emplois ; les salariés de RFI sont toujours en lutte contre le dépeçage imposé par le ministère des Affaires étrangères ; dans les grands groupes de la presse magazine (Emap, Prisma, Lagardère Active-Hachette Filipacchi), les patrons ont ouvert des « guichets départs », mis en place des plans de licenciements rampants qui se traduisent par le non-renouvellement des contrats de dizaines de salariés en CDD ou la diminution du volume des piges des journalistes les plus précaires, tout en externalisant une partie des activités.

La presse quotidienne nationale (dernier en date, le Parisien) ne fait pas mieux, de même que la presse régionale qui restructure, licencie et abuse des contrats atypiques, tels ceux des correspondants locaux de presse qui n’ont même pas droit au statut de salariés. Endémique, la précarité joue pleinement son rôle d’amortisseur selon les vœux des patrons de presse : éviter des plans de licenciements trop voyants, augmenter la productivité des journalistes, employés, ouvriers et techniciens qui doivent compenser le départ des précaires (ceux-ci assurent de 30% à 80% du travail selon les formes de presse).

Ces derniers mois, la riposte contre les licenciements n’a pas été à la hauteur et l’intégration des précaires se fait attendre. Malgré quelques mouvements, à Hachette par exemple, ou récemment à l’AFP, les intégrations se font au compte-gouttes. Unifier et remobiliser tout le salariat des médias contre les licenciements et contre la précarité est l’une des tâches urgentes de l’heure.




Pour un service public de l’Internet, sous le contrôle des salariés du secteur et des usagers 

Un service public garantissant un usage démocratique du réseau Internet doit donner à chacun les moyens de se connecter et ne pas laisser le marché structurer l’offre de contenus, en particulier dans le domaine de l’information.

Une particularité de l’Internet, le faible coût de publication, a en effet favorisé l’escamotage du débat en semblant faire de la toile un pur espace de liberté et de gratuité. Chacun peut ainsi construire sa page personnelle et les groupes associatifs ou militants ont la possibilité (formelle) d’accéder à la visibilité sur Internet. Mais derrière cette illusion de gratuité et de pluralisme se dissimulent les conditions économiques nécessaires pour publier un média sur Internet susceptible d’atteindre un public large.

Pour mettre en ligne un site attractif et riche en contenus, il faut en effet un système de publication et des outils performants, mais surtout des professionnels qui ont les moyens d’enquêter, de rédiger, de filmer, de monter les images, de faire la maintenance de l’ensemble, etc. Or, étant seuls à disposer de ces moyens, les groupes capitalistes s’approprient la formidable liberté que pourrait représenter Internet. Bien sûr, la dynamique des logiciels libres ouvre une véritable opportunité de progrès en dehors du secteur marchand et toutes ces expériences doivent être encouragées. Mais cela ne saurait suffire pour faire d’Internet un véritable média démocratique.

Seul un service public de l’Internet pourrait par exemple mettre des outils de publication à la disposition des associations, des partis politiques, mais aussi de travailleurs en lutte ou de populations n’ayant jamais accès à la parole publique. Un tel service public permettrait par ailleurs de financer, selon des logiques échappant aux impératifs de rentabilité à court-terme, la production/diffusion de contenus culturels sous forme multimédia.


Loi Hadopi et droits d’auteur 

La loi Hadopi 2 est censée lutter officiellement contre le piratage d’une part, et préserver les intérêts des auteurs d’autre part : elle échoue deux fois.

Juridiquement, elle remet en question plusieurs notions fondamentales comme la possibilité d’un procès équitable, la présomption d’innocence ou encore la jouissance d’un droit fondamental reconnu par l’Union Européenne.

Techniquement, elle est inefficace car l’adresse IP sur laquelle elle repose n’est pas fiable ; il est par exemple possible d’usurper celle d’un réseau Wifi mal sécurisé.

Démocratiquement, elle est dangereuse car elle instaure un système de flicage national de l’Internet ; une surveillance de toutes les communications électroniques (dont les messageries personnelles !) a même été envisagée avant d’être abandonnée devant le tollé général.

Concernant les droits d’auteurs, elle ne permet pas une redistribution plus équitable des richesses, qui reste majoritairement aux mains de l’industrie du divertissement ; pire, au travers d'un amendement, les journalistes qui étaient jusqu’à présent rémunérés à chaque publication sur tout nouveau support pourront dorénavant voir leur travail utilisé à l’envi pour une seule et unique rémunération.

La loi Hadopi 2 ? Elle protège les intérêts des capitalistes, pas ceux des artistes… Le NPA, outre la suppression pure et simple de cette loi, défend l’idée d’une taxation des grands groupes multimédias de manière à financer autrement une culture non-soumise à la logique des profits.


Le CSA ou la voix de son maître

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est, depuis 1989, l’organisme public chargé de contrôler les activités liées à l’audiovisuel (y compris les contenus). Ayant le statut d’ « autorité indépendante », cette instance est présentée comme la garante du « pluralisme » et de la « démocratie audiovisuelle » en France. Cette démocratie audiovisuelle n’est pourtant que le faux-nez de la domination de la bourgeoisie sur les médias privés et du gouvernement sur les médias « publics ».

Les membres sont nommés, pour une durée de 6 ans, par les Présidents de la République, du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Il va sans dire que les derniers nommés sont tous des proches du pouvoir sarkozyste, que ce soit Christine Kelly (un moment pressentie au gouvernement) ou Françoise Laborde, l’ancienne présentatrice du JT de France 2 qui, dans son dernier livre, écrivait notamment que les cheminots « défendent leurs avantages » et « n’ont jamais (…) stoppé (…) les trains de la mort qui emmenaient juifs et résistants vers les camps d’extermination ». Le président du CSA n’est autre que Michel Boyon, ancien des cabinets Léotard et Raffarin.

L’attribution de fréquences reflète également cette mainmise des grands groupes privés sur l’audiovisuel. Lors du passage à la TNT en 2005, des télés associatives comme Zaléa TV ont proposé des dossiers pour acquérir les nouveaux canaux nationaux, mais ce sont les groupes AB et Lagardère qui, en toute « indépendance » du CSA bien entendu, ont emporté le morceau. On voit ainsi ce que vaut le « pluralisme » que cette instance est censée assurer et ce qu’il advient de la « démocratie audiovisuelle » sous contrôle capitaliste.

Le NPA demande le démantèlement du CSA et propose qu’un nouvel organe, sous contrôle des travailleurs des médias et des usagers, soit créé pour réguler l’audiovisuel en France et assurer un véritable pluralisme.

Janvier 2010

mercredi 25 novembre 2009

Comment j’ai appris à aimer le capital et à en faire la servile apologie, par Christophe Barbier


Quand le capital a besoin de justifier sa domination ou l’accroissement de son emprise, il trouve sans peine de valeureux serviteurs médiatiques prompts à vanter ses mérites et à faire taire les critiques. 
 
Dans la lutte qui oppose les travailleurs à la poignée de capitalistes qui sont les véritables maîtres de l’économie, les éditorialistes vedettes – souvent cumulards – et autres directeurs de rédaction des médias dominants ont une fonction bien particulière et essentielle : convaincre les salariés qu’ils ne sauraient se passer des capitalistes (y compris dans le secteur des médias) et exorciser le spectre d’une autre société possible. Mais il est des « journalistes » qui s’acquittent de cette tâche avec un empressement tel qu’il doit retenir notre attention, tant il signale une perte de légitimité du système, contraignant ses agents les plus serviles à recourir aux arguments les plus fallacieux.
Christophe Barbier est de ceux-là, lui qui ces dernières mois – sur LCI et surtout dans L’Express qu’il dirige – a poussé jusqu’à ses plus hauts sommets de veulerie l’art vénérable du cirage de pompes. En faisant feu de tout bois dans la défense, non seulement des patrons de France Télécom, mais aussi du travail le dimanche et de l’enseignement privé, il a déposé les pistolets en plastique du journalisme de cour au pied d’un trône qui le gratifie déjà d’une présence à la table des vainqueurs. Barbier n’est-il pas l’ami personnel et le confident de la duchesse Bruni, elle-même épouse d’un président sensible aux frustes procédés de la flagornerie ?
Quelques échantillons suffisent pour témoigner du mépris et de la bêtise dont fait preuve, chaque semaine, l’infatigable laquais du capital :
-          « Les Français n’ont pas envie de travailler le dimanche, mais les Français n’ont pas envie de travailler tout court. Il y a un problème culturel de rapport au travail dans ce pays. […] Et vous savez ils ont encore moins envie de travailler le lundi, on le voit bien à leur tête quand ils arrivent. […] Croyez-vous que, pour les jeunes filles de banlieue, il soit plus épanouissant d’être cloîtrées dans leurs cités HLM plutôt que d’être au travail le dimanche ? » (07/07).

-    [Sur les suicides à France Télécom] « Mais c’est la faute de l’Etat. L’Etat, socialement, a trop protégé ses troupes : pas de mutations au mérite, tranquille avancement à l’ancienneté, la sécurité de l’emploi, la culture de la fonction publique à la française. Et comme l’Etat, sur le plan économique, a été mauvais, il est obligé de mettre dans le privé toute une série d’activités jadis publiques, et il amène dans le privé des gens qui ne sont absolument pas préparés à la vie un peu plus rude dans le privé » (15/09).
-   « Si l'on faisait basculer entièrement notre système éducatif vers du privé sous contrat, pour additionner le dynamisme du privé, la motivation des profs, l'exigence de résultats et une certaine forme de discipline, et puis bien sûr les exigences anciennes du public, c'est-à-dire de l'enseignement républicain, des valeurs communes à tous, allons-y ! Tentons le 100 % privé, mais sous contrat républicain ! » (29/09).
Lui qui a vécu sa scolarité universitaire sous les lambris dorés de l’Ecole normale supérieure, lui qui vient d’être nommé membre du directoire du groupe L’Express Roularta, sans doute a-t-il beaucoup à dire sur la rudesse du monde du travail. Car la vie ne l’a pas préservé des difficultés matérielles et des humiliations quotidiennes. Enfant, ses camarades tiraient sur son écharpe déjà rouge jusqu’à étouffer dans un râlement ses tirades infectes. Aujourd’hui garde-chiourme en chef à L’Express, ce n’est pas le crack qui – contrairement à la rumeur – le livre à cette frénésie de sottises dont il nous assomme une fois par jour, mais la joie de célébrer des licenciements renflouant les coffres de ses amis patrons et la jubilation de faire suer des profits aux salariés de l’hebdomadaire.
Ce n’est pourtant pas la personne de Christophe Barbier qui importe, tant le zèle ridicule qu’il met à prendre la défense du capital privé n’a d’égal que la médiocrité des arguments avancés, mais ce qu’il représente : la soumission inconditionnelle des médias aux pouvoirs économique et politique, et surtout la nécessité d’une transformation radicale d’un système médiatique structurellement inféodé à l’ordre capitaliste. 

jeudi 8 octobre 2009

Venezuela, Honduras, Pérou, Equateur : « petits » oublis et « grands » mensonges des médias



Article d'Eric Toussaint, paru le 5 octobre sur le site du CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde).


Il convient de prendre la mesure du danger que constitue l’attitude systématiquement hostile adoptée par l’écrasante majorité des grands médias européens et nord-américains (ainsi que par l’organisation Reporters sans frontières) à l’égard des expériences en cours en Equateur, en Bolivie et au Venezuela. Cette hostilité n’a d’égale que le silence embarrassé et complice à l’égard des putschistes honduriens ou de la répression exercée par l’armée péruvienne contre les Indiens d’Amazonie.

Pour illustrer cette affirmation, quelques faits récents.

1) Le 5 juin 2009, l’armée péruvienne a massacré à Bagua plus de 50 Indiens d’Amazonie qui protestaient contre les concessions de terres accordées par le gouvernement d’Alan Garcia aux transnationales étrangères, principalement européennes. Cela n’a pas provoqué la réprobation des grands groupes de presse mondiaux |1|. Ceux-ci donnaient alors la priorité quasi exclusive aux protestations en cours en Iran. Non seulement la presse n’a pas réprouvé la répression au Pérou, mais à peine y a-t-elle fait écho. Or, le mécontentement était tel au Pérou que le gouvernement a dû annoncer l’abrogation du décret présidentiel contre lequel les Indiens d’Amazonie étaient entrés en lutte. Encore une fois, la couverture par les médias de ce recul du gouvernement a été quasiment nulle. Posons-nous la question suivante : si une intervention de l’armée vénézuélienne ou équatorienne avait provoqué la mort de dizaines d’Indiens d’Amazonie, quelle aurait été la couverture médiatique ?

2) Lorsque le président constitutionnel Manuel Zelaya a été renversé par les militaires le 28 juin, l’écrasante majorité des médias a déclaré, en contradiction totale avec la vérité, que les militaires réagissaient à sa volonté de modifier la Constitution afin de rester au pouvoir. De nombreux medias ajoutaient qu’il suivait en cela l’exemple d’Hugo Chavez, présenté comme un dirigeant populiste autoritaire. En réalité, Manuel Zelaya proposait aux citoyens honduriens de se prononcer en faveur de l’organisation d’élections générales à une Constituante ce qui aurait représenté une réelle avancée démocratique dans ce pays. C’est ce qu’expliquent très bien Cécile Lamarque et Jérôme Duval, de retour d’une mission du CADTM au Honduras : « Le coup d’État est réalisé le jour où Manuel Zelaya organise une "consultation" à caractère non contraignant demandant aux Honduriens s’ils désiraient, ou non, la convocation d’une Assemblée nationale constituante, après les élections prévues le 29 novembre 2009. La question était : «  Êtes-vous d’accord qu’aux prochaines élections générales de 2009, une 4e urne soit installée pour permettre au peuple de se prononcer sur la convocation d’une assemblée nationale constituante ? OUI ou NON  ». Si cette consultation avait recueilli une majorité de "oui", le président aurait soumis un décret à l’approbation du Congrès pour que, le 29 novembre, les Honduriens se prononcent formellement sur la convocation d’une Constituante, dans une "quatrième urne" (les trois premières étant réservées respectivement à l’élection du président, des députés et des maires). Pour donner un semblant de légalité au coup, le Congrès et la Cour Suprême, associés au putsch, ont jugé ce scrutin illégal et ont fait valoir que le président Zelaya a « violé la Constitution » en prétendant la modifier « pour pouvoir briguer un nouveau mandat », à la manière d’un « apprenti dictateur chaviste ». Or, Manuel Zelaya ne cherchait pas, via cette consultation populaire, à reconduire son mandat présidentiel lors des prochaines élections puisque celles-ci se tiendront dans le cadre de l’actuelle Constitution qui prévoit des mandats présidentiels de quatre ans non renouvelables. Zelaya ne pouvait donc pas être candidat à sa propre succession. » |2|.

Alors que les mouvements populaires d’opposition aux putschistes ont multiplié grèves et manifestations en juillet, en août et septembre, les grands médias y ont à peine consacré quelques lignes. Les rares fois où les grands quotidiens consacrent un article de fond à la situation au Honduras, ils pratiquent une politique de dénigrement du président constitutionnel quand ils ne présentent pas carrément l’action des militaires sous la forme d’un coup militaire démocratique. C’est le cas du Wall Street Journal, qui dans son éditorial du 1er juillet 2009, écrivait que “le coup d’Etat militaire qui a eu lieu au Honduras le 28 juin dernier et qui a conduit à l’exil le président de ce pays d’Amérique centrale, Manuel Zelaya, est étrangement démocratique”. L’éditorial ajoute que “les autorités législatives et judiciaires resteront intactes” suite à l’action militaire. De son côté et de manière plus nuancée, le célèbre quotidien français Le Monde a participé à une campagne de dénigrement de Manuel Zelaya. En voici un exemple. Le 12 septembre 2009, Jean-Michel Caroit, son envoyé spécial au Honduras, cite les paroles d’une Française expatriée dans ce pays et ensuite accole le mensonge répété systématiquement sur les mauvaises intentions attribuées à Manuel Zelaya : « « Pour les Honduriens, le retour de Zelaya est inacceptable car il signifierait vingt ans de dictature à la [Hugo] Chavez », s’exclame Marianne Cadario, en référence au président du Venezuela qui – comme son allié Manuel Zelaya prétendait le faire (c’est moi qui souligne) – a modifié la Constitution pour pouvoir se faire réélire. Marianne Cadario, une Française installée depuis trente ans au Honduras, se dit « hyperchoquée par la réaction de la communauté internationale » qui a condamné le putsch.  ». |3| Le ton des journaux comme Le Monde et Libération a commencé à changer fin septembre après que les putschistes aient franchi plusieurs degrés supplémentaires dans la répression. Il est devenu assez critique à l’égard des putschistes. Ceci dit, le quotidien Libération mérite un prix pour l’utilisation des euphémismes. En effet, le 28 septembre 2009 (3 mois après le coup jour pour jour), il intitulait « Parfum de dictature »(c’est moi qui souligne) le paragraphe dans lequel il expliquait que le gouvernement putschiste avait décrété : « l’interdiction de «  toute réunion publique non autorisée  », arrestation de «  toute personne mettant en danger sa vie ou celle des autres  », «  évacuation  » des locaux occupés par les manifestants et brouillage de «  l’émission par n’importe quel média de programmes portant atteinte à la paix . » » |4|.

3) Début août 2009, l’intention des autorités vénézuéliennes de remettre en cause le droit d’émettre de 34 radios et télévisions a trouvé un écho important dans la presse internationale sur le thème : « c’est une preuve de plus de la quasi disparition du droit d’expression et de critique dans ce pays autoritaire ». La manière dont la grande presse traite la situation des médias au Venezuela est unilatéralement hostile aux autorités du pays, alors que 90% des médias vénézuéliens sont privés et soutiennent pour la plupart très activement des campagnes de désinformation. Globovision, une des principales chaînes de télévision privées, a participé activement au coup d’Etat militaire contre Chavez le 11 avril 2002. Un reportage réalisé par Globovision a fait le tour du monde le 11 avril 2002 et dans les jours qui suivirent le coup militaire. Il s’agit d’un montage qui falsifie la réalité. On y voit des civils présentés comme chavistes en train de tirer au pistolet à partir d’un pont dans une direction qui n’est pas identifiable. La voix off du journaliste de Globovision affirme que les chavistes sont en train d’abattre des manifestants d’opposition qui défilent pacifiquement dans la rue en dessous du pont. Le parquet vénézuélien a pu reconstituer le déroulement exact des faits à partir de l’analyse des reportages et des différentes photos prises par des particuliers le 11 avril 2002. En fait, les militants chavistes qui, selon Globovision, tiraient sur des manifestants, répondaient en réalité à des tirs provenant d’un blindé de la police métropolitaine alliée aux putschistes. Les manifestants d’opposition n’étaient plus dans la rue vers laquelle tiraient les chavistes au moment des faits. Plusieurs sources ont pu démontrer sans équivoque possible que les putschistes avaient programmé l’assassinat de manifestants anti-chavistes en attribuant ces crimes à Chavez pour justifier leur coup. Le 11 avril 2008, les téléspectateurs vénézuéliens ont pu revoir les images de la conférence de presse donnée par les militaires putschistes à un moment où aucun manifestant n’avait encore été tué. Or, ces militaires y affirmaient qu’ils prenaient le pouvoir suite aux assassinats réalisés par les chavistes, ce qui corrobore clairement la thèse selon laquelle ils avaient délibérément planifié ces assassinats pour justifier leur action séditieuse. 

Au cours des deux jours qui suivirent le coup d’Etat, les 12 et 13 avril 2002, alors que des centaines de milliers de personnes non armées encerclaient les casernes putschistes pour réclamer le retour d’Hugo Chavez emprisonné, Globovision n’a diffusé aucune image de ces protestations, elle expliquait que le calme était revenu dans le pays et que Hugo Chavez avait donné sa démission et était en route vers Cuba. Au cours des dernières heures du putsch, cette chaîne se contentait de diffuser des dessins animés et des émissions de variété |5| . Globovision s’est donc fait complice des putschistes à plusieurs moments clé ce qui a amené les associations de parents des victimes et les survivants blessés à exiger une condamnation de la chaîne. Ce à quoi le gouvernement chaviste s’est jusqu’ici refusé afin d’éviter que la campagne internationale menée contre lui ne monte subitement de plusieurs crans. Plusieurs associations de défense des droits humains sont d’ailleurs mécontentes de cette attitude passive de la part des autorités vénézuéliennes.


Plus récemment, Globovisión a manifesté sa sympathie pour les auteurs du coup d’Etat du 28 juin 2009 au Honduras. Les animateurs de plusieurs émissions de Globovision n’ont rien fait d’autre que de soutenir le coup d’Etat au Honduras depuis le début, accusant à leur tour le gouvernement Chavez d’ingérence pour avoir condamné le coup. A titre d’exemple, Guillermo Zuloaga, président de Globovision a affirmé le 17 juillet dernier que “le gouvernement de Micheletti est conforme à la Constitution, et nous voudrions, nous serions ravis qu’ici au Venezuela, la Constitution soit respectée de la même manière qu’elle l’est au Honduras”, marquant ainsi clairement son soutien au gouvernement putschiste.

Globovision n’a jamais fait l’objet d’une interdiction d’émettre. Quel est le grand média européen ou nord-américain qui mentionne ce fait ? Quel grand média européen ou nord-américain informe le public sur le fait que l’écrasante majorité des médias vénézuéliens sont contrôlés par le secteur privé ? Qu’ils représentent plus de 90% de l’audimat au niveau télévisuel. Qu’ils attaquent avec une violence extrême le gouvernement présenté comme une dictature et que certains d’entre eux bien qu’ayant participé activement au coup d’Etat contre un président constitutionnel, continuent à émettre librement depuis sept ans. Peut-on imaginer que le général de Gaulle n’aurait pas pris des mesures répressives à l’égard d’un journal, d’une radio ou d’une télévision qui aurait soutenu activement le coup de l’OAS au moment de la guerre d’Algérie ? Ne trouverait-on pas normal que le gouvernement espagnol prenne des mesures contre les médias qui auraient soutenu activement en temps réel le colonel Tejero lorsque, à la tête d’un groupe de militaires putschistes, il a menacé d’une arme les députés présents aux Cortes |6| ? Si Manuel Zelaya était restitué dans son mandat de président constitutionnel, lui et son gouvernement ne seraient-ils pas en droit de demander des comptes et de prendre des mesures contre les propriétaires des médias honduriens qui ont résolument appuyé les putschistes en déformant systématiquement la réalité et en ne couvrant pas les multiples violations des droits humains commises par les militaires ?

4) Les dépenses d’armement. A lire la presse européenne ou d’Amérique du Nord, on a nettement l’impression que le Venezuela est en train de faire d’importantes dépenses d’armement (notamment auprès de la Russie,) ce qui constitue une menace pour la paix dans la région. Or si l’on en croit la CIA |7|, la situation est toute différente, le budget militaire vénézuélien est le 6e de la région par ordre d’importance, il vient après ceux du Brésil, de l’Argentine, du Chili (beaucoup moins peuplé que le Venezuela et considéré comme un modèle), de la Colombie et du Mexique. En termes relatifs, ramené au produit intérieur brut de chaque pays, le budget militaire vénézuélien vient au 9e rang de l’Amérique latine ! A-t-on pu lire cette information dans la grande presse ? 

Par contre, on aura pu lire en août 2009 que la Suède demandait des comptes au Venezuela parce que le gouvernement colombien avait une fois de plus dénoncé son voisin comme fournisseur d’armes à la guérilla des FARC. La Suède avait en effet déclaré à la Colombie que des missiles SAAB retrouvés dans un camp des FARC avaient été fournis au Venezuela. Qui a pu lire la réponse détaillée donnée par Hugo Chavez ? Les missiles en question avaient été volés dans un port vénézuélien en 1995, quatre ans avant que Chavez n’accède à la présidence de la République…


Conclusion : Il faut prendre conscience de l’asymétrie avec laquelle les grands médias traitent des événements et garder dès lors un esprit hautement critique. Le discrédit porté contre Hugo Chavez, Rafael Correa et Evo Morales est tel qu’il prépare l’opinion publique internationale à la passivité au cas où une nouvelle tentative de coup d’Etat aurait lieu ou à l’approbation de mesures agressives prises par un gouvernement comme celui des Etats-Unis. Parmi les accusations insidieuses dénuées de fondement, on peut lire dans la presse espagnole (dont El Pais) que la campagne électorale de Rafael Correa a été financée par les FARC. On peut lire également que les autorités vénézuéliennes ne combattent pas le narcotrafic. Dans le cas du président hondurien Manuel Zelaya, le discrédit porté sur lui, vise à empêcher une mobilisation de l’opinion internationale en faveur de sa restitution à la tête de l’Etat.


Notes

|2| Cécile Lamarque et Jérome Duval, « Honduras : Pourquoi le coup d’État », 17 septembre 2009, www.cadtm.org/Honduras-Pourquoi-le-coup-d-Etat

|3| Jean-Michel Caroit, « Au Honduras, la campagne électorale s’ouvre dans un climat de haine », Le Monde, p. 8, samedi 12 septembre 2009.

|5| Il est intéressant de mentionner à ce propos l’initiative prise par le gouvernement d’Hugo Chavez le 11 avril 2008 - six ans après le coup d’Etat. Le gouvernement a utilisé son droit de passage sur les antennes privées et publiques pour faire rediffuser l’intégralité du reportage réalisé par les chaînes privées anti-chavistes (Globovision, RCTV...) de la séance officielle d’intronisation du président et du gouvernement putschiste dans un salon du palais présidentiel Miraflores. Le programme auquel tous les spectateurs vénézuéliens ont pu assister le 11 avril 2002, a donc été rediffusé sans aucune coupure et sans aucun commentaire critique de la part du gouvernement chaviste. Celui-ci a compté sur l’esprit critique de la société vénézuélienne pour qu’elle se fasse elle-même une opinion sur la complicité active des médias privés avec les responsables du coup parmi lesquels on a pu reconnaître les principales autorités de l’Eglise catholique, les chefs militaires factieux, le dirigeant du syndicat jaune CTV (Centrale des Travailleurs du Venezuela), les dirigeants d’entreprises privées et le président de la Fédération patronale vénézuélienne (Fedecamaras), Pedro Carmona. A noter que ce président qui a occupé le pouvoir pendant à peine environ 36 heures est aujourd’hui affublé communément du sobriquet "Pépin le Bref" (« Pepe el breve »).

|6| Le 23 février 1981, à la chambre haute du Parlement, a eu lieu une tentative de coup d’Etat organisée par des secteurs franquistes. Le colonel Tejero qui la dirigeait, a menacé d’une arme les députés et les a pris en otage au moment de l’investiture du nouveau président de gouvernement.


samedi 3 octobre 2009

Du grand vide avec une écharpe rouge

Merci au camarade C S P pour son post, que nous reproduisons ici.



Ébouriffante illustration d'un journalisme de révérence à la française qui ne sait plus où donner de la langue pour lécher frénétiquement tous les pouvoirs, tare intellectuelle ambulante dont le demi-cerveau n'en finit plus de clapoter contre ses parois crâniennes en produisant des floc-floc de liquide cépahalo-rachidien anémié à force de probables tares congénitales - qui font soupçonner un lourd héritage consanguin dans sa famille -, créature au physique aussi ingrat et débile que la purée froide idéologique qui s'échappe malencontreusement d'une bouche qu'on rêverait de coudre avec un fil de pêche et une très grosse aiguille, maigrichon hystérique dans la droite lignée des Eric Zemmour et autres réactionnaires crapoteux, tous incapables physiquement de dominer un teckel mais qui rêvent de cette Force et de ce Courage dont ils sont bien incapables tant ils sont lâches et couards - et donc, réactionnaires, puisque le réac est fondamentalement veule, c'est dans sa nature profonde -, encore plus ridicule de snobisme achevé que toute la rédaction de précieuses ridicules alcooliques qui s'épanchent dans Causeur, tout aussi demeuré et baveux qu'un Ivan Rioufol - même si ce dernier est atteint de rares pathologies mentales qui devraient charitablement lui valoir de massives injections de neuroleptiques directement dans la jugulaire, avant que de le jeter dans une jolie cellule dont il pourra bouffer les murs en hululant que les islamogauchistes lui grouillent sous la peau -, parfait produit de la pensée unique qui passe sont temps à verser toutes les larmes de son petit corps frêle sur l'immobilisme à la française et la nécessité de se serrer la ceinture avant d'aller déguster force canards aux pêches le petit doigt levé dans de dispendieux restaurant dont la carte coûte un SMIC, Christophe Barbier est journaliste et n'a t-on pas tout dit en le qualifiant ainsi ?

Élevé au lait tourné du néolibéralisme le plus frénétique, Christophe Barbier veut voir du privé partout. Bien, le privé. Mal, le public. Et comme tout de même le privé c'est un peu, un tout petit peu, plus cher que le public - vu que c'est, précisément, privé - il trépigne ici que tout doit être fait pour que l'éducation nationale - et ses profs gauchistes qui font chier à faire grève - disparaisse à tout jamais pour que les chères têtes blondes deviennent compétitives dans un privé qui ô joie continuera d'être joyeusement subventionné par les deniers publics...

Car le libéral n'en finit jamais de vomir à longs jets sur le public, mais n'oublie jamais après de lui réclamer des thunes, bien incapable qu'il est de se démerder tout seul avec la loi du Joli Marché Qui Rend Heureux Christophe Barbier. Le libéral a aussi une mémoire très sélective qui lui fait oublier que la situation de l'Éducation nationale - qu'il n'en finit jamais de déplorer - est due à trente années de réductions d'effectifs et de casse systématique du service public par les soins de ses écœurants semblables. Non, cela, le libéral n'en parlera jamais, pas plus qu'il ne mettra en exergue que l'une des raisons majeures de vendre le public au privé est une question idéologique : casser le bastion de la gauche pour fourrer de la merde dans les têtes des gamins qui ne sont pas encore assez détruits par la propagande des amis de Christophe barbier. Lesquels amis, à l'instar de, justement, Christophe Barbier, vont encore se répandre sur tous les plateaux-télé et tous les éditoriaux pour pleurer ouin ouin ouin leur terrible souffrance de vivre en Bolchévie totalitaire qui musèleflorentpagnesque liberté de penser (de noires conneries).

Si on était un peu méchant, on en rêverait presque de voir Christophe Barbier pendu par les pieds avec son écharpe pendant que des écoliers hilares lui jetteraient des cailloux pointus au visage sous l'oeil attendri de leur maîtresse. Mais heureusement, on est dans le camp du Bien, et c'est nous les plus Gentils. On se contentera donc de prendre Christophe Barbier pour ce qu'il est : un grand vide à l'intérieur qui produit du rien à l'extérieur. Même si ça, c'est déjà beaucoup, beaucoup trop.