mardi 29 septembre 2009

Médias policiers, police médiatique



Les conflits sociaux actuels, notamment les occupations d'entreprises et les séquestrations, donnent à voir la prise de parti des grands médias en faveur de la classe dominante, laissant notamment entendre que les travailleurs sont incapables de s'organiser eux-mêmes. 

Ainsi, dans Le Figaro, un article du 23 avril s’interroge : «Qui se cache derrière les meneurs des grèves et les salariés qui séquestrent les patrons ? […] Sont-ils instrumentalisés pour engendrer le chaos ? Nombre d'observateurs [lesquels ?] estiment que ces débordements […] portent la signature de l'extrême gauche.» Citant des témoins au-dessus de tout soupçon (ex-RG, commissaires de police, conseiller du Medef guadeloupéen), on apprend notamment qu’« il est difficile d'apporter la preuve irréfutable que des organisations subversives sont à l'origine du durcissement des mouvements engagés. Mais ce qui est certain, c'est que des agitateurs de tout poil tentent de profiter du climat et s'activent en coulisse, dans les milieux de la gauche trotskyste notamment ».

Mais, contrairement à une idée répandue, cette vision policière ne s'arrête pas aux journaux ouvertement du côté de la bourgeoisie. Dans une émission subtilement intitulée « Patrons, un métier à risque » et diffusée sur le service public (« Ripostes », France 5, le 26 avril), Serge Moati s'adresse à un patron imprimeur pour lui demander : « Est-ce que vous pensez qu'il y a quelqu'un derrière [les séquestrations] ? Est-ce qu'il y a de la manipulation ? Oui ou non ? » Le dirigeant évoquant la LCR et affirmant que ces « manipulateurs livrent des palettes de bière aux employés […] pour alimenter l'insurrection », Moati s'alarme : « Vous avez vu des trotskystes ? […] J'vous crois, mais en même temps c'est énorme c'que vous dites. »

De même sur iTélé, le 22 avril, Nicolas Demorand ouvre un débat sur la « radicalisation des conflits sociaux » par un interrogatoire policier d'Arlette Laguiller : « Rumeurs ou informations, j'vous demande justement de les confirmer ou de les infirmer, qui voudraient qu'à Continental le délégué CGT soit membre également de LO ? Est-ce vrai, est-ce faux ? » Puis : « Juste d'un mot, Arlette Laguiller, pour établir les faits, est-ce que dès lors que vous avez des sympathisants ou des militants de LO sur place, est-ce qu'il y a des consignes de LO pour orienter le mouvement de telle ou telle manière ? Est-ce que LO a dit: "la préfecture est une cible symbolique'' ? »

Plutôt que de s'interroger sur les racines et les raisons de la colère sociale qui monte dans le pays, les grands médias préfèrent ainsi chercher du côté de l'extrême gauche d'obscurs manipulateurs, responsables de la multiplication de ce qu'ils appellent des « actions violentes ». Les « valeurs » de neutralité et d'objectivité, derrière lesquelles s'abrite le journalisme officiel, ne constituent pas seulement un vœu pieux. Il s'agit bel et bien d'une esbroufe idéologique permettant de faire oublier la fonction conservatrice que remplissent les médias dans la société capitaliste.

6 mai 2009.  

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