jeudi 1 octobre 2009

Un journalisme de complaisance pour un 14 juillet de « concorde nationale »


La « fête nationale » a donné lieu cette année, peut-être plus encore que d’habitude, à une débauche d’émissions et de reportages en l’honneur du président de la république et des armées. 

Bien entendu, on comprend que la classe dirigeante préfère exhiber les engins de mort dont dispose l’armée plutôt que de s’interroger sur la responsabilité des marchands de canons français (groupes Dassault, Lagardère, etc.) dans les conflits militaires qui déchirent nombre de pays du Sud. On perçoit aussi, particulièrement en temps de crise, la nécessité de célébrer ceux qui nous gouvernent et l’armée au service des multinationales françaises, plutôt que la révolution française de 1789 et ce qu’elle représente : l’irruption des classes populaires sur la scène politique. L’imposture ira jusqu’à ces clips télévisés en l’honneur de l’armée, affirmant que « depuis toujours, la Défense est au service de la paix ». Les victimes de ces grandes boucheries qu’ont été les guerres mondiales et coloniales apprécieront. 

Plus profondément, qu’en est-il du rôle des grands médias – privés ou publics – dans cette campagne de désinformation ? En effet, ils n’ont pas simplement relayé sans broncher cette campagne ; ils lui ont donné un retentissement sans pareil. Cela débute sur le « service public » (en l’occurrence France 5), avec la diffusion lundi soir d’un documentaire effarant de complaisance sur le chef de l’Etat, « à visage découvert ». Outre des questions parfaitement inoffensives posées à Sarkozy lui-même, on verra notamment les auteurs du documentaire s’extasier devant la « dimension internationale » acquise par Sarkozy et solliciter des collaborateurs (Guaino, Guéant, Hortefeux, etc.) ou des politiciens amis (Blair, Merkel, El Assad, etc.) pour nous dire tout le bien qu’ils pensent du président français. 

Le 14 juillet, c’est TF1 qui obtient, comme il se doit, ses entrées à l’Elysée pour proposer aux téléspectateurs non seulement une séance de tourisme (dont le guide n’est autre que Claude Guéant, secrétaire de l’Elysée), mais surtout un entretien avec la femme du souverain : Carla Bruni. On apprendra ainsi que Sarkozy « est habité par une obsession, qui est de servir notre pays et d'aller au bout de ses promesses », et que « désormais l’armée nous protège de la guerre ». Il est vrai que le propriétaire de la chaîne, Martin Bouygues, n’est rien moins que le « meilleur ami » du président (d’après Sarkozy lui-même), son témoin de mariage et le parrain de son dernier enfant. 

Enfin, France 2 enfonce le clou pendant la soirée en proposant une émission consensuelle à l’extrême. Celle-ci vise essentiellement à embellir l’image de l’armée en invitant des stars du show-biz (Darmon, Dombasle, Lizarazu, etc.) à en faire la promotion. L’émission s’achève sur une interview présidentielle, servile jusqu’à la nausée, de Michel Drucker, durant laquelle le téléspectateur se voit informé de choses capitales : le président admire le cycliste Lance Armstrong et pratique lui-même le vélo à ses heures perdues. Concernant la crise, les emplois, les salaires, le logement, on repassera : le 14 juillet c’est l’heure de la « concorde nationale », et les grands médias sont là pour nous le rappeler. 

On ne peut que s’opposer à cette pratique d’un journalisme de cour, qui passe sous silence la crise et ses effets délétères pour la majorité de la population, réduit l’information au simple discours que les puissants portent sur eux-mêmes, et ramène la politique aux banalités qui émaillent le quotidien des politiciens professionnels (et de leurs compagnes…). Plus que jamais, le droit d’informer et de s’informer correctement – dont la condition tient dans un véritable pluralisme et une indépendance réelle de la presse (vis-à-vis du patronat et du gouvernement) – est une Bastille à prendre. 

25 juillet 2009. 

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