mardi 3 avril 2012

Vous avez dit "égalité de temps de parole" ?


A partir du début de la campagne officielle, c’est-à-dire environ un mois avant le 1er tour, les médias audiovisuels sont en principe contraints de garantir une stricte égalité de temps de parole. Or, non seulement cette égalité est souvent contournée (en modulant les moments de passage, avec lesquels varie évidemment l’audience), mais elle fait surtout suite à une période d’absence quasi-totale de pluralisme, où les « petits » partis n’ont voix au chapitre que lorsque les « grands » médias le décident, autant dire (presque) jamais.

C’est le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui – en période d’élection ou non – est en charge de contrôler le respect, par les chaînes de télévision et les stations de radio, des règles légales en matière de pluralisme politique. La presse écrite n’a, quant à elle, de comptes à rendre à personne du peu de cas qu’elle fait de ce pluralisme[1]. Rappelons par ailleurs que les membres du CSA étant nommés par le Président de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’indépendance dont cette institution se prévaut est largement factice. Il n’y a donc nullement à s’étonner du faible intérêt qu’elle porte à la parole des « petits » candidats.

Hors élection présidentielle (seule élection où l’égalité de temps de parole entre partis est censée être garantie), c’est la règle de la répartition par tiers qui prévaut : un tiers pour l’opposition parlementaire, un tiers pour la majorité parlementaire et un tiers… pour le Président de la République. C’est donc en toute légalité que, durant les cinq années qui précèdent l’élection, les grands médias peuvent distribuer la parole, pour un tiers, au PS et ses alliés, et pour deux tiers à l’UMP. Aux partis qui, comme le NPA, refusent de brader leur indépendance politique en s’alliant avec le PS, il ne sera concédé que des miettes.

Avant le début de la campagne officielle pour l’élection présidentielle, le CSA conseille aux médias audiovisuels l’ « équité ». On aperçoit ce que vaut cette équité en consultant les chiffres publiés par le CSA[2]. Si l’on prend les grandes chaînes de télévision : entre le 1er janvier et le 24 février, Philippe Poutou aura ainsi bénéficié de 0,88% et 0,68% dans les émissions d’information sur France 2 et France 3, et 0,38% et 0,15% pour TF1 et M6. Pour la même période, sur aucune des principales radios généralistes (Europe 1, RTL, France Inter, France Info), notre candidat n’aura bénéficié d’un temps d’antenne supérieur à 1%. Ce n’est que du 9 au 20 mars que nos idées auront pu être exposées un peu davantage dans ces médias.

Mais pour les « grands » journalistes et autres directeurs de rédaction, c’est déjà trop. Ainsi, neuf dirigeants des principaux médias audiovisuels ont, le 6 février dernier, envoyé un courrier au Conseil constitutionnel intitulé « Les règles du CSA sont inapplicables ! ». Il y a ceux qui, comme Jean-Michel Apathie, pense que cette égalité des temps de parole est « une bêtise française incroyable », et qu’il faudrait « qu’il y ait une révolte, des manifestations de journalistes, qu’on aille devant le siège du Conseil constitutionnel » (voire « que deux ou trois confrères courageux fassent la grève de la faim »[3]).

Mais plus effarant peut-être, il y a des tenanciers des médias pour nier, tout simplement, le pouvoir de consécration (ou inversement d’invisibilisation) qu’ils s’arrogent. Face à Philippe (le 13 mars sur Canal+), Ariane Massenet peut ainsi asséner, après avoir justement constaté que la presse écrite avait consacré seulement 0,5% de ses pages politiques au NPA : « C’est une volonté de votre part ? […] Une volonté d’être invisible… ? ».

Au-delà de cette mesure quantitative, beaucoup de choses devraient être dites sur le type de traitement médiatique réservé à un candidat qui se distingue de tous les autres en étant un salarié ordinaire, traitement qui va de la morgue d’un Michel Onfray au mépris d’une Pascale Clark en passant par l’amusement d’un Laurent Ruquier pourtant prompt à rappeler ses origines populaires. Dans ces conditions très difficiles, mais grâce à un temps d’antenne un peu moins défavorable, on peut espérer que Philippe, dans les trois semaines restantes, pourra faire entendre une voix anticapitaliste, celle des opprimés qui ne se soumettent pas au rouleau-compresseur capitaliste que les médias dominants cherchent à nous faire accepter.

Léo Carvalho


[1] Ainsi, les journalistes de l’émission « Le Grand journal » sur Canal+ avaient fait le calcul que Nicolas Sarkozy avait bénéficié du 20 février au 12 mars de 50% de l’espace consacré à la campagne dans la presse écrite.
[2] Voir ici : http://www.csa.fr/content/view/full/57266
[3] Toutes ces citations sont tirées d’un article d’Acrimed : http://www.acrimed.org/article3765.html

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