jeudi 29 avril 2010

Imbroglio à France Télévisions : gros sous et pouvoir d’État


 
La décision du conseil d’administration de France Télévisions de suspendre la privatisation de sa régie publicitaire nous plonge au cœur des contradictions d’un secteur public soumis aux injonctions, de plus en plus directes, du pouvoir d’État.

Si l’on veut comprendre quelque chose à l’ « affaire » qui secoue France Télévisions depuis quelques semaines, il faut avoir en tête le contexte politique, celui d’une volonté présidentielle de renforcer son emprise sur France Télévisions, et plus largement sur l’ensemble de l’audiovisuel public. Ainsi Sarkozy avait-il fait passer, en mars 2009, une loi lui permettant de nommer directement les présidents de France Télévisions et de Radio France. Cette loi entérinait par ailleurs la suppression de la publicité, après 20h à partir du 1er janvier 2009 et totale fin 2011.

Contrairement à ce que prétendaient Sarkozy et son sbire Copé, cette mesure ne visait évidemment pas à soustraire France Télévisions aux contraintes du marché publicitaire et à améliorer ainsi la qualité de ses programmes. Il s’agissait à la fois d’un coup de pouce financier à TF1, la chaîne possédée par celui qu’il présente régulièrement comme son « meilleur ami » (Martin Bouygues), mais c’était peut-être surtout un moyen d’accroître la dépendance du secteur public à l’égard du pouvoir d’État. La suppression de la publicité, et la disparition des revenus qui lui sont liés, laissait en effet les chaînes publiques sans ressources propres.

La commission Copé, dont la fonction avait été de faire accepter cette suppression sans conditions, avait imaginé un financement de France Télévisions par une taxe sur les opérateurs de télécommunication. Mais la décision de la Commission européenne de retoquer cette taxe a rendu incertaine la fin de la publicité avant 20h et des voix se sont élevées, dont celle du ministre de la Culture, contestant la vente de la régie publicitaire à un opérateur privé, au prétexte que cela créerait un « problème déontologique ». Le repreneur prévu, le consortium Publicis-Lov Group dirigée par un certain S. Courbit, est en effet déjà engagé dans la production de programmes diffusés sur les chaînes du secteur public, ce qui créerait un conflit d’intérêt manifeste. On apprend par ailleurs qu’Alain Minc, qui aurait soufflé à l’oreille de Sarkozy l’idée de supprimer la publicité, détiendrait des parts dans la société de Courbit.

Cette histoire fonctionne comme un miroir des dissensions qui se font jour à droite. Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée, s’est ainsi prononcé contre la suppression de la publicité avant 20h. Sans doute échaudé par la brutalité de décisions présidentielles qui tendent à le marginaliser, le très-chiraquien Patrick de Carolis s’est quant à lui lancé dans ce qui apparaît comme un « baroud d’honneur » contre la reprise de la régie publicitaire. Les syndicats s’en sont félicité, notamment par la voix du représentant CGT J.-F. Téaldi, se réjouissant de cette marque d’ « indépendance ». Au-delà, cette privatisation (pour l’instant contestée) illustre non seulement la volonté de l’exécutif de contrôler l’audiovisuel public mais, plus profondément, les relations incestueuses entre pouvoir d’État et pouvoir capitaliste.

Léo Carvalho

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire