mercredi 30 septembre 2009

Audiovisuel : Radio France aux ordres ?



Depuis la loi promulguée en mars 2009, Sarkozy nomme le président de Radio France. Son choix s’est porté sur Jean-Luc Hees, qui s’est empressé de promouvoir son vieux complice Philippe Val. Portraits croisés de deux patrons de presse.  

De saltimbanque libertaire à patron de presse, la trajectoire de Philippe Val est malheureusement exemplaire d'une gauche ralliée au social-libéralisme et passée, pour citer Guy Hocquenghem, "du col Mao au Rotary". Après des années d’éditos haineux – dans Charlie-Hebdo ou sur France Inter – contre la gauche radicale et tout ce qui s’apparente à une critique de l’ordre existant, qui se souvient que Val dénonçait jadis la gauche de gouvernement dans ses chansons, qu’il fut membre fondateur d’Attac et même un défenseur de Bourdieu et Halimi dans leurs critiques contre les médias dominants ? Devenu entre-temps actionnaire principal (avec Cabu) de ce journal autrefois satyrique, et ayant touché à ce titre 330 000 Euros en 2007, il s’était rendu cette même année à l’université d’été du Medef pour parler « liberté d’expression ». Le grand patronat ne pouvait en effet qu’être admiratif devant un patron de presse parvenu à pousser vers la sortie, réduire au quasi-silence ou effacer de la photo, les figures historiques d’un journal autrefois satyrique (Siné, Cavanna, Choron), ainsi que les jeunes journalistes ayant tenté d’en faire vivre l’esprit (Olivier Cyran, Mona Chollet, etc.). 

Jean-Luc Hees a quant à lui commencé sa carrière à l’ORTF, puis fut correspondant à Washington pour France Inter. C’est en 1999 qu’il est nommé  directeur de la station. En 2001, il affronte une des plus longues grèves de l’histoire de France Inter : dix-huit jours, pour réclamer des hausses de salaire. Mais sa présidence est aussi marquée par le débarquement, en juillet 2003, du Dr Martin Winckler, chroniqueur matinal qui s’attaquait aux laboratoires pharmaceutiques. Le fait que Jean-Luc Hees ait animé six mois auparavant le colloque annuel du 3ème groupe pharmaceutique mondial (un « ménage » dans le langage journalistique, condamné par la « Charte du journaliste »), n’était évidemment pour rien dans cette éviction. C’est aussi le patron de France Inter qui engage Val comme chroniqueur au moment où l’ancien libertaire veut sortir du bois et accéder au titre – tant envié par cet admirateur de BHL – de philosophe médiatique. Quelques citations de Spinoza plus tard, l’ascenseur sera renvoyé en 2008 quand Val engage Hees comme chroniqueur dans Charlie Hebdo. 

On ne s’étonnera donc pas qu’en mai 2009, Sarkozy nomme Hees à la présidence de Radio France après que ce dernier, auditionné par le CSA, ait affirmé à propos du slogan de France Inter (1) : « Pas sûr que les auditeurs d’Inter recherchent l’impertinence ». Aucune raison non plus d’être surpris que Val soit pressenti pour prendre la tête de France Inter, tant connivences et complaisances sont la règle dans le monde médiatique. Ces deux journalistes ont toujours voulu diriger et commander en véritables patrons. A cet égard, l’intrusion de Hees dans le studio de France Inter le 15 mai dernier pour répondre à Plenel (et à ses critiques sur la nomination directe par Sarkozy du président de Radio France) est un bon exemple de cette vision patronale du journalisme, le patron de presse devenant à la fois recruteur, manager et responsable éditorial du journal, avec à ses ordres ceux que François Ruffin appelle les « petits soldats du journalisme ». 


(1) "La différence, c'est l'impertinence". 

2 juin 2009. 

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