mardi 29 septembre 2009

Médias et Guadeloupe : une vérité bien ordonnée


Comment le journal télévisé de France 2 manipule son public à propos du conflit guadeloupéen.  

Tout conflit social est un rapport de forces et, en tant que tel, la place du soutien ou du rejet par l'opinion y est prépondérante. Et qui semble mieux à même de façonner cette opinion que les médias de masse et, plus particulièrement, le journal télévisé ? Regardons donc de plus près comment ceux de France 2, réputés plus neutres, ont traité la récente grève générale en Guadeloupe. 

La toute première semaine du conflit (20 janvier-1er février) a donné lieu, au vingt-heures, à 50 secondes de sujet en tout et pour tout, morcelées sur trois jours. Comparé au temps consacré à l'élection d'Obama ou à la tempête dans le Sud la même semaine… Malgré une équipe envoyée sur place, le 1er février, du 4 au 8, on ne comptera que 20 secondes de sujet, et ainsi de suite. La première étape est donc celle de l'« invisibilisation » médiatique : ne pas parler du mouvement pour ne pas le faire connaître, et surtout sas ses revendications. 

Et, quand on en parle, on en dit quoi ? Qu'il y a une pénurie d'essence et  qu'on peut prévoir des effets « dramatiques » pour l'industrie touristique. Les sujets montrent principalement des files d'attente aux stations-service. C'est seulement le 10, puis les 14 et 17 février, que sont évoquées les conditions d'existence dans l'île. Mais qui cause ces désagréments ? Ce sont des manifestants « intimidants », qui obligent les commerçants à fermer boutique. La mort de Jacques Bino, le 17 février, est l'occasion idéale de fustiger le groupe anonyme « des jeunes » qui se livrerait à une véritable « guérilla urbaine » (rien moins) et au « pillage ». Les grévistes seraient donc essentiellement des gens violents… Jamais on ne dira que le chômage touche 50% des 15-25 ans. 

Mais il faut bien que quelque chose explique la durée et la popularité du mouvement. France 2 met alors en avant le contexte historique de l'île. L'anniversaire du massacre du 14 février 1952 est l'occasion de parler des « vieilles rancœurs » contre la métropole. Le terme reviendra plusieurs fois, sans jamais plus d'explications. Le 10 février, la parole est donnée à un Béké1, qui s'insurge contre la survivance de ce terme, selon lui raciste. Finalement, le conflit n'est donc pas causé par une situation sociale désastreuse, dont on n'a pas parlé, et encore moins par des formes de surexploitation capitaliste, mais bien par de vieux relents anti-Métropolitains et anti-Blancs. Là encore, les causes sont travesties. 

A chaque nouvelle étape, un biais évite de parler des revendications et des causes réelles du conflit. En parallèle, tout est fait pour le décrédibiliser et souligner sa spécificité. Pourquoi un tel axe ? Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, donne une partie de la réponse : « Ce qui se justifie à un endroit et pour un contexte particulier, c'est pas la même chose obligatoirement en métropole. » On ne sait jamais, cela pourrait donner des idées2 

1. Nom donné aux descendants de propriétaires blancs d’esclaves. 

2 A lire: Ugo Palheta et Julien Sergère : www.acrimed.org/article3088.html 

9 avril 2009. 









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